Couper dans le « gras »

À partir d’aujourd’hui, le Canada interdit l’utilisation des gras trans. Une période de grâce de trois ans subsiste pour les produits fabriqués avant le 15 septembre. Le Canada devient ainsi l’un des premiers pays à condamner l’usage des gras trans. Les produits importés devront aussi se soumettre à cette nouvelle mesure émise par Santé Canada.

Il y a déjà longtemps que Santé Canada avait les gras trans dans sa mire. Ces gras se retrouvent peu dans les aliments aujourd’hui depuis que le Canada a rendu leur étiquetage obligatoire en 2006, devenant alors le deuxième pays au monde à réagir après le Danemark. Depuis plus de dix ans, les entreprises s’affairent à modifier leurs recettes. Malgré cette règle d’étiquetage restrictive, il est surprenant de constater que certains produits en contiennent encore aujourd’hui.

L’arrivée des gras trans sur le marché durant l’ère industrielle ne relève pas du hasard. Au dire de certaines personnes, l’utilisation de gras trans assurait un meilleur goût aux aliments. Mais il y avait avant tout des raisons purement économiques. Les gras trans permettaient à l’industrie d’économiser de plusieurs façons. D’abord, ces ingrédients étaient moins dispendieux d’environ 50 % que les produits plus naturels. L’utilisation des gras trans permettait également de fabriquer des shortenings et des graisses qui offraient un avantage logistique incroyable. Les produits demeuraient solides malgré les jours de canicule et offraient la possibilité aux entreprises de conserver les produits alimentaires durant de longues périodes. Le commerce international exige un temps d’entreposage très long dans les conteneurs et sur les tablettes en magasin ou ailleurs. Il y avait donc un besoin réel de conserver les aliments plus longtemps. Tandis que l’industrie profitait des vertus des gras trans, notre santé écopait, sans le savoir.

Des recherches approfondies au cours des 20 dernières années nous indiquent que les gras trans nuisent grandement à notre santé. Selon quelques études qui datent d’au moins une vingtaine d’années, la consommation de gras trans pourrait faire augmenter les risques de souffrir de troubles cardiovasculaires de l’ordre de 132 %, comparativement à d’autres ingrédients, en comparaison de 32 % pour les gras saturés, par exemple. Cette différence énorme ne peut pas passer inaperçue pour Santé Canada.

Le législateur public a accordé à l’industrie alimentaire plusieurs années pour éliminer volontairement les gras trans des produits. La règle d’étiquetage obligatoire forçait l’industrie à retirer quelques produits du marché ou de changer certains ingrédients. Malgré cela, plusieurs aliments en contiennent encore. Produits de boulangerie, pâtisseries, fromages sans produits laitiers, glaçages, colorants à café, lards ou graisses végétales, biscuits, scones, pâtes alimentaires réfrigérées et autre. L’emploi de gras trans se retrouvait aussi en restauration, dans certains cas. Malgré la science qui nous indique la nocivité des gras trans, il est décevant de voir que 12 années de grâce n’ont pas suffi pour certaines entreprises.

Quand les sciences alimentaires font fausse route, il faut agir et c’est exactement ce que Santé Canada a fait. Afin de donner une chance à l’industrie, Santé Canada a suivi un cheminement permettant aux entreprises de s’adapter tout en protégeant le public.

Avec le temps, la recherche scientifique nous a permis de mieux comprendre les risques sous-jacents à l’utilisation d’un ingrédient nuisible à notre santé. Mais qu’en est-il du sucre ajouté dans nos aliments ? Pratiquement 75 % de nos aliments transformés contiennent du sucre ajouté. Maintenant qu’on a réglé le cas des gras trans, il faut se préoccuper des préjudices que pose le sucre sur notre santé. C’est bien le message que nous envoie la recherche en santé depuis belle lurette. Pour ce faire, il faudra probablement un autre 12 à 15 ans de transition !