Sylvain Lefort Entrepreneur pionnier et visionnaire

Sylvain Lefort avait déjà, tout jeune, l’agriculture dans le sang. Et il avait aussi la fibre d’un entrepreneur et d’un innovateur. Pourtant, l’entreprise les Serres Lefort de Sainte-Clotilde de Châteauguay, le complexe serricole le plus important et parmi les plus développés du Québec, a pris naissance bien sobrement.

Sylvain Lefort se rappelle avoir griffonné sur un napperon de restaurant l’ébauche de son projet, dans les années 1980. Il échange et discute avec d’autres agriculteurs, en particulier des maraîchers, et il entrevoit le développement de la culture, en serre, de transplants de légumes. Essentiellement, à l’époque ces transplants viennent de l’extérieur du Québec et, aussi, plusieurs maraîchers ont l’habitude de « partir » eux-mêmes, souvent dans des installations rudimentaires, les pousses qu’ils mettront ensuite au champ.

De quelques commandes la première année, la demande a vite augmenté et la production de transplants est devenue la spécialité des Serres Lefort.

Portrait d’un entrepreneur visionnaire

Chez Sylvain Lefort, l’amour de la terre est palpable. « Je suis presque né aux champs », dit-il en se rappelant ses premiers étés à travailler dans les cultures, à 12 ans. « J’avais 19 ans lorsque j’ai acheté une terre où il y avait deux vieilles serres en bois. C’était le début. » Le premier investissement a été effectué dans la construction de quatre serres, en 1984. Ensuite, les choses se déroulant bien, il fallait voir à ce que l’entreprise soit viable à long terme. « On a travaillé fort et aujourd’hui nous fournissons 65 % des transplants de légumes pour le secteur maraîcher québécois. Bien sûr, nous avons diversifié les activités avec des productions destinées directement à la consommation. Suivant les constructions en cours actuellement, on aura bientôt 18 hectares de serres en production et notre équipe atteindra le nombre de 180 employés. »

La culture en serre est relativement jeune au Québec. Au début des années 1980, quand Sylvain Lefort s’est lancé, son entreprise était presque la seule à fournir des transplants. C’est surtout grâce à la culture de produits destinés à la consommation qu’elle a pris la dimension que l’on connaît aujourd’hui. « Il y avait quelques agriculteurs spécialisés dans le concombre et beaucoup dans les tomates. Dans les poivrons, une culture un peu plus difficile, il y avait un manque. On s’y est lancé. En fait, ce sont les ventes potentielles et bien sûr la demande des grandes chaînes québécoises qui ont conduit à la culture du poivron. »

 Entrepreneur, pionnier et visionnaire

On peut parfois dire de ces qualificatifs qu’ils ne vont pas l’un sans l’autre, mais pas toujours! Dans le cas de Sylvain Lefort, toutefois, cela fait l’unanimité. C’est un pionnier! Lui et sa conjointe Marie-Josée Lebire, très engagée dans l’entreprise, ont bâti une équipe avec laquelle ils ont développé des savoir-faire uniques au monde, autant dans la serriculture conventionnelle que biologique, le poivron et le concombre plus précisément.

Il s’agit aussi de l’un des rares complexes serricoles à avoir une production aussi diversifiée, affirme Sylvain Lefort. « Un peu partout dans le monde, les producteurs se concentrent sur une ou deux productions. Nous, on se spécialise dans quatre secteurs d’activités, soit les transplants, les laitues, les concombres et les poivrons. » Ajoutons à cela que les Serres Lefort produit également des laitues, surtout les Boston, pour l’entreprise Mirabel.

 Produire mieux, intelligemment!

La vision de l’avenir, pour Marie-Josée, Sylvain et sa fille Julie, va au-delà de la production. Elle tient compte des générations futures en misant sur une planification qui met la nature au cœur de son développement, dans une approche et des pratiques de développement durable assez rares dans le domaine. Cet engagement se traduit dans le recours aux technologies de pointe, dans une traçabilité sans faille, dans le bien-être de la main-d’œuvre, dans l’innovation et dans l’efficacité énergétique, pour laquelle les Serres Lefort fait encore figure de pionnière. Elle est en effet parmi les toutes premières entreprises à avoir adopté un système de chauffage à la biomasse, en 2014, le plus imposant du genre au Québec. Aujourd’hui, en 2016, ce système lui permet d’économiser 50 % de ce que lui coûte l’utilisation du gaz naturel pour le chauffage de ses serres.

 Une croissance justifiée par la demande

L’avenir passe aussi par l’épanouissement de l’entreprise, qui s’est taillé une bonne place sur les marchés de proximité de l’Est canadien et du Nord-Est des États-Unis, tellement que la demande pour ses produits biologiques, notamment les poivrons et les concombres, ne cesse de croître. Le complexe serricole compte actuellement 12 hectares accueillant quelques centaines de serres où s’épanouissent des milliers de plants de poivrons, de concombres, de laitues et de transplants, en cultures conventionnelle et biologique.

En mars 2016, les Serres Lefort faisait l’annonce du financement d’un projet de huit hectares supplémentaires (NDLR le Fonds de solidarité FTQ a eu un apport important dans ce financement), qui seront voués à la culture de poivrons et de concombres biologiques. « La demande pour le biologique croît de façon exponentielle chez nos voisins du Sud, confirme Sylvain Lefort. Les États-Unis en veulent! On en produirait deux fois plus, ils en prendraient, j’en suis convaincu. Les données précises sont rares, mais les États-Unis sont beaucoup plus axés sur le biologique que le Canada. » Les huit hectares qui seront en production dès l’automne devraient permettre de répondre à la demande : 40 % ira au marché local et 60 % aux États-Unis.

On pourrait croire que les investisseurs ont été emballés par le projet. Il semble pourtant que cela n’a pas été le cas. « Plusieurs des investisseurs étaient plus nerveux que si on avait été dans la culture conventionnelle, qui existe depuis 25 ou 30 ans, et pour laquelle il est facile de valider les chiffres. Pour le bio, il n’y en a à peu près pas, sauf les données que nous avons compilées nous-mêmes dans les années passées. Il y a aussi le témoignage de certains acheteurs, mais ça s’arrête là. »

Une expertise locale de pointe toute québécoise

D’ailleurs, pourquoi aller vers le bio? « C’est une expertise qui s’est développée notamment grâce à la vision éclairée de ma fille, aujourd’hui associée, Julie. » Le résultat est concluant et le choix pleinement assumé, même si, de l’aveu même de Sylvain Lefort, la culture biologique est exigeante. « Le concombre anglais, ça semble facile à cultiver dans le conventionnel, mais dans le bio, c’est extrêmement complexe. Par exemple, sur trois productions annuelles, une peut aller fort bien, alors que les deux autres se comporteront de façon plus compliquée. On est peut-être fou, mais on est certain qu’on va réussir! Nous avons une expertise unique en culture biologique, qui est un secret bien gardé chez nous, comme c’est le cas partout dans le monde chez ceux qui la développent. »

Ce choix est également dicté par le marché. « On aurait stagné si on était resté en conventionnel. Le marché nous dit qu’il faut aller vers le biologique même s’il n’y a pas de données réelles et précises là-dessus pour nous aider dans notre développement. »

En rafales

Inspiration de Sylvain Lefort

Les voyages que j’ai faits et les entreprises que j’ai visitées en Ontario, aux États-Unis et d’autres en Hollande, dans les Pays-Bas, où on trouve des centaines d’hectares de serres au même endroit. Je suis aussi allé dans des pays scandinaves où on exploite des serres depuis 15 à 20 ans; on voit que c’est possible de faire ce genre de culture et d’être rentable dans un pays où le climat n’est pas favorable. Je regrette seulement de ne pas avoir commencé à voyager plus jeune!

Leitmotiv

J’avais 20 ans et je me disais en ne me prenant pas trop au sérieux : « Fais ce que la plupart des gens ne font pas et tu goûteras à ce que la plupart des gens ne goûtent pas. » Une variante de « pour avoir des résultats différents, il faut agir différemment ».

Des défis professionnels…

Mon rêve d’affaires serait d’avoir trois autres terres de dix hectares! Et le plus grand défi serait d’avoir deux fois plus de temps pour moi-même tout en ayant trois fois plus de terre…

Des rêves personnels…

Mon rêve serait de prendre le temps de faire ce qu’on appelle The Great Loop, le « Grand tour », un voyage en bateau qui prend quelques mois.

Sa plus grande fierté

Participer au développement du secteur serricole du Québec. Montrer que c’est possible de réussir la culture en serre à grande échelle ici. On veut laisser notre petite empreinte, être des pionniers.

_______________________________________________

Le goût d’entreprendre et d’innover

janieb-cover_3677_4x6

Par Janie Béïque

Vice-présidente principale

Industries, divertissement et biens de consommation

Fonds de solidarité FTQ

Quand Sylvain Lefort s’est lancé en affaires, au début des années 1980, la production de transplants en serres ne faisait pratiquement pas partie de la belle histoire de l’agroalimentaire québécois.

 Serres Lefort, avec bientôt 18 hectares de serres, est aujourd’hui un acteur important de la production locale et biologique québécoise. En misant sur son goût d’entreprendre et d’innover, Sylvain Lefort a donc remporté son pari. Il est à juste titre un pionnier de l’agroalimentaire québécois : pensons notamment à ses poivrons de serre VÔG, lancés en 2013, une première au Québec.

 La croissance d’entreprises comme Serres Lefort est essentielle pour l’avenir du secteur agroalimentaire québécois. Compte tenu de la place importante qu’occupe cette industrie dans notre économie, c’est tout le Québec qui en sortira gagnant grâce au maintien de sièges sociaux ici et à la création d’emplois de qualité.

C’est pourquoi l’agroalimentaire compte parmi les quatre pôles d’excellence que le Fonds de solidarité FTQ soutiendra davantage au cours des prochaines années. Qu’il s’agisse de consolidation d’entreprises de taille moyenne, d’acquisitions hors Québec, de pénétration des marchés canadien et américain ou de soutien à la production locale, le Fonds appuiera les entrepreneurs comme Sylvain Lefort dans leurs projets.

Grâce à la qualité et la diversité des produits de notre secteur agroalimentaire, les occasions d’affaires abondent pour les producteurs et les transformateurs. Le Fonds entend être un partenaire de choix pour les entreprises qui, comme Serres Lefort, veulent les saisir.