Ce que cache Nutri-score, l’étiquetage nutritionnel qui classe les aliments

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Par Delphine Granier

Ce nouveau logo nutritionnel, dont le principe avait été adopté dans la loi Santé, a été validé la semaine dernière par Marisol Touraine. Par Delphine Granier, du think-tank libéral GenerationLibre. 

Dès le mois d’avril, Nutri-score fera son entrée dans les supermarchés. Ce nouveau logo nutritionnel, dont le principe avait été adopté dans la loi Santé, a été validé la semaine dernière par Marisol Touraine. En classant les produits alimentaires de A à E et du vert au rouge, l’étiquetage nutritionnel nous permettra bientôt d’identifier les mauvais acides et les sucres cachés qui composent nos aliments préférés… Mais ne nous en privera pas si tel est notre choix.

L’Etat-Nounou se raisonnerait-il? Habituellement adepte d’un paternalisme fiscal, il fait cette fois le choix de l’incitation. Finies les taxes  » soda « ,  » Nutella « ,  » Redbull « ,  » malbouffe «  et compères dont le principal impact est de pénaliser le porte-monnaie des consommateurs les plus modestes, et l’intérêt dissimulé de remplir facilement les caisses d’un Etat indéniablement trop gourmand… Nutri-score renvoie au placard la fiscalité punitive et propose un étiquetage facultatif pour le producteur et incitatif pour le consommateur. S’il y a fort à parier que notre Ministre de la Santé aurait succomber à la tentation de rendre le dispositif obligatoire, Bruxelles ne le permet pas. Les industriels se verront donc proposés, et non imposés, l’apposition de Nutri-score sur leurs produits ; et le consommateur sera informé, mais non forcé à faire tel ou tel choix. L’Etat-Nounou, quand il est raisonné, incite et oriente, mais ne contraint pas.

C’est la logique du  » nudge « , ce nouveau  » paternalisme libertarien  » venu de l’Illinois. Théorisé par des chercheurs de l’université de Chicago et déjà largement expérimenté dans plusieurs pays, le  » nudge  » permet à l’Etat d’inciter l’individu à opter pour ce qu’il juge être la  » bonne  » décision mais sans l’y forcer, ni le sanctionner en cas de  » mauvais  » choix. Face à une asymétrie d’information – qui sait honnêtement si 28 grammes de glucide et 9 grammes de protéines sont excessifs ou non? – le rôle de l’Etat est de donner les moyens à l’individu de faire son propre choix, sans le contraindre. Les résultats des premières expériences plaident en faveur du  » nudge « : l’incitation est plus efficace que la coercition pour modifier durablement les comportements. Mais pour autant, et en dépit de résultats concluants, toute intervention publique n’est jamais neutre.

Les suspicions de confit d’intérêts n’ont pas tardé à fuser. L’étude réalisée en amont pour juger de l’efficacité de l’étiquetage a été en grande partie financée par le Fonds français alimentation santé, lui-même abondé par l’industrie agroalimentaire… Le consommateur pourra-t-il donc se fier sans ciller à la couleur de la pastille? Devra-t-il au préalable se plonger dans les rapports des agences et des associations pour en évaluer la crédibilité? Car certains industriels s’estiment stigmatisés: le feuilleté au fromage sera évidemment moins bien noté que le filet de colin… Qu’ils se rassurent, la gourmandise est un péché tenace! Le but, surtout, ne doit pas être de vouloir l’éradiquer mais d’inciter, entre deux marques d’un même produit, à choisir la meilleure d’un point de vue nutritionnel. Libre aux industriels de s’adapter! Certains ont, par ailleurs, riposté: Pepsi, Coca-Cola, Mars, Unilever et Nestlé ont proposé la semaine dernière à Bruxelles un dispositif d’étiquetage selon leurs propres règles. Faudra-t-il alors créer un nouvel étiquetage sur les logos pour nous aider à nous y retrouver?

Le but ultime de l’Etat devrait finalement être d’oeuvrer pour la disparition de ses propres logos. L’intervention publique est légitime lorsqu’il s’agit d’informer. Notamment lorsque cela permet de protéger les enfants, trop jeunes pour choisir eux-mêmes comment s’alimenter. Mais c’est précisément en éduquant au mieux les plus jeunes qu’il pourra se passer de certaines velléités. Alors au lieu de mettre en place des pastilles de couleur, semblables à nos gommettes de l’école maternelle, faisons en sorte que l’école donne à chacun les moyens de pouvoir se passer de ces mêmes pastilles. A bon entendeur…

Source : www.challenges.fr

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