Les marchés du Moyen-Orient : entre tradition et avant-gardisme

Par Jean-Emmanuel Poitras conseiller à l’exportation chez Groupe Export agroalimentaire

Comprenant le Bahreïn, le Koweït, l’Oman, le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, dont les populations totalisent 53,1 millions d’habitants, les pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) misent sur le développement et la diversification progressive de leurs économies vers de nouveaux secteurs tels que le tourisme et les services. Symbole de cette transition, la ville de Dubaï ne cesse de susciter l’émerveillement du monde entier avec son architecture moderne, notamment la grandiose tour Burj Khalifa. Ce renouveau ne se limite toutefois pas seulement à Dubaï, mais également à sa consœur Abu Dhabi, qui est désormais l’hôte du second musée du Louvre, et au Qatar, qui recevra la prochaine coupe du monde de soccer en 2022.

Comptant sur une large population d’expatriés, dont les revenus annuels par habitant sont estimés à 47,500 US$, les consommateurs sont à la fois ouverts aux tendances alimentaires mondiales et habitués aux marchés d’alimentation traditionnels. On y retrouve ainsi des supermarchés haut de gamme allant des prestigieuses Galeries Lafayette à la chaîne anglaise Waitrose, des hypermarchés tels que la multinationale Carrefour et son équivalent local Lulu ainsi que de nombreux marchés d’alimentation spécialisés pour certaines communautés ethniques.

Des tendances alimentaires à la fois cosmopolites et multiethniques
La valeur des ventes d’aliments emballés dans les pays membres du CCG, y compris les produits de santé et de bien-être, a été de 30,4 G$ US en 2016, une croissance de 8,7 % par rapport à 2012, selon les données recueillies dans la plus récente étude de marché réalisée par Agriculture et Agroalimentaire Canada. La demande pour les produits laitiers, la boulangerie et les pâtes alimentaires demeure importante, mais ce sont les collations, les confiseries et les confitures qui ont connu la plus grande croissance toutes catégories confondues. À l’instar des nord-américains, les consommateurs du Moyen-Orient sont de plus en plus soucieux de l’impact de l’alimentation sur leur santé et optent pour des produits affichant des attributs en ce sens. Les allégations telles que « faible en gras », « faible en sodium », « biologique » et « sans gluten » font ainsi apparition sur les tablettes.

Les règlementations des pays au niveau de l’étiquetage exigent que les étiquettes alimentaires soient traduites en arabe. Le nom du produit, incluant une brève description, les ingrédients, la date de production, le pays d’origine et les coordonnées de l’importateur sont autant d’éléments qui doivent être clairement indiqués sur l’emballage. Les autocollants sont habituellement tolérés dans la mesure où ceux-ci ne doivent pas être facilement détachables. Une certification halal reconnue est également requise pour tous produits qui contiennent des ingrédients de source animale. Tout produit contenant du porc ou des sous-produits du porc sont interdits. Seul certains pays en autorisent l’importation sous de strictes conditions pour accommoder les expatriés et les visiteurs étrangers. Ces produits se retrouveront généralement dans une section plus restreinte, réservée aux non-musulmans, dans les supermarchés et hypermarchés. L’importation de boissons alcoolisées est aussi strictement contrôlée et la consommation y est limitée à certains grands hôtels et restaurants.

Une destination touristique mondiale
L’industrie touristique florissante constitue également un des principaux facteurs de l’évolution de la consommation d’aliments dans la région du CCG, contribuant ainsi à un vigoureux secteur de la restauration et de l’hôtellerie. En effet, c’est près de 16 millions de visiteurs qui ont visité Dubaï en 2017, faisant de cet oasis l’une des villes les plus courues au monde. En vue de l’Expo 2020, 164 nouveaux hôtels comprenant 29 200 chambres s’ajouteront aux 678 hôtels et 106 167 chambres déjà existantes à Dubaï uniquement. Plus de la moitié de ces hôtels sont de catégories 4 ou 5 étoiles s’adressant ainsi à une clientèle d’affaires et relativement fortunée. La plupart des touristes proviennent de la région du CCG, de la Russie, de la Chine, de l’Angleterre et de l’Allemagne. Les dépenses engendrées par les touristes étaient de 37 G$ en 2016 et devraient atteindre 48 G$ en 2021. Qui plus est, la ligne aérienne Emirates y opère le plus grand centre de catering au monde. Le segment du service alimentaire offre ainsi des occasions d’affaires intéressantes pour les entreprises qui souhaitent exporter leurs produits dans cette région du monde en effervescence.

Dubaï, la porte d’entrée sur le Moyen-Orient
Pour soutenir la population grandissante et une industrie touristique en pleine ébullition, les pays du CCG importent tous plus de 90 % de leurs aliments, étant donné le climat aride et les sources d’eau limitées pour l’agriculture. Les exportations agroalimentaires canadiennes vers les pays du CCG ont atteint près de 900 M$ en 2016. Le Canada y exporte principalement des graines de canola, des lentilles, du blé, des fromages et des produits laitiers, de la viande de bœuf fraîche et congelée, des homards vivants et congelés ainsi qu’une grande variété de produits transformées tels que du lait de soya, des biscuits, du sirop d’érable, des canneberges séchées, etc. Les Émirats arabes unis (EAU) sont le plus important partenaire canadien du CCG, représentant 82 % de toutes les importations en 2016. Ceci s’explique en partie par le fait que Dubaï se positionne comme la porte d’entrée sur la région et l’endroit d’où les produits importés sont réexpédiés ailleurs au Moyen-Orient, notamment en Iran, en Irak, en Jordanie et même sur l’immense marché Indien. L’Arabie saoudite est la seule autre destination majeure des exportations agroalimentaires canadiennes au sein du CCG, représentant 11 % de ce marché, alors que les autres membres du CCG achètent directement un total de 6,3 % de nos produits. Bien que les ventes totales directes y soient de moins grande envergure, la compétition internationale y est un peu moins féroce que sur les grands centres, tels que Dubaï et Abu Dhabi.

Mission commerciale au Moyen-Orient
C’est dans cet esprit que le Groupe Export agroalimentaire s’est rendu pour la première fois au Koweït dans le cadre de la mission commerciale au Moyen-Orient qui a eu lieu en février dernier. Ce petit pays de 4,2 millions d’habitants importe près de 98 % de ses aliments, ouvrant la voie à de nombreuses catégories de produits. Lors de nos visites de supermarchés, nous avons retrouvés des produits emballés provenant à la fois des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Australie. Les produits tels que les légumineuses, les produits laitiers, les fruits et légumes, le miel, les fruits séchés, les boissons non alcoolisées et les produits de l’érable sont tous des produits recherchés par les acheteurs locaux et par l’entremise desquels le Québec est en mesure de se démarquer.

Par ailleurs, le Qatar est un marché à ne pas négliger compte tenu de la situation géopolitique actuelle. En juin 2017, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et l’Égypte ont brusquement rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar et décrété un embargo sur les marchandises expédiées vers cette destination. Le Qatar dépendait largement de ses voisins pour la livraison de ses importations alimentaires, précipitant ainsi le pays dans une crise sans précédent. Par conséquent, le gouvernement cherche activement à conclure de nouveaux partenariats avec des pays étrangers, dont le Canada, pour assurer son approvisionnement en denrées alimentaires. Les entreprises canadiennes sont invitées à communiquer avec l’ambassade du Canada à Doha pour en apprendre davantage sur les opportunités d’affaires dans ce pays d’un peu moins de 1 million d’habitants.

Enfin, avec plus de 97 000 visiteurs d’affaires, le salon Gulfood est sans contredit le principal point de rencontre de l’industrie agroalimentaire au Moyen-Orient. Ayant eu lieu à Dubaï du 18 au 22 février dernier, ce salon est un incontournable pour les entreprises qui souhaitent développer ou accroitre leurs ventes dans cette région du monde en pleine effervescence. Le Groupe Export vous invite à communiquer avec ses conseillers pour discuter des opportunités d’affaires et des activités génériques qui seront mises en place au cours des prochains mois pour vous aider à ouvrir les portes de ces marchés en plein essor.