Bilan alimentaire de l’année 2023

Alors que nous approchons de la fin de 2023, il est toujours intéressant de réfléchir à l’année qui s’achève. Pour nos principales histoires alimentaires de l’année, le choix a été difficile, étant donné que l’inflation alimentaire a dominé les cycles d’actualités pour des raisons à la fois bonnes et moins bonnes. Étant donné que la hausse des prix alimentaires était un thème aussi dominant, notre liste pour cette année inclut certains thèmes connexes à l’inflation alimentaire. De plus, bien que la météo et le changement climatique aient été des problèmes importants, nous avons choisi de ne pas les inclure dans la liste cette année, car ils influencent de manière substantielle l’industrie agroalimentaire chaque année.

Voici les principales histoires alimentaires de cette année :

 

Annonce du code de conduite des épiciers

Il était surprenant et rafraîchissant de voir le code de conduite, un sujet plutôt peu glamour, faire la une de nombreuses fois cette année. Le ministre François-Philippe Champagne a défendu la poursuite par Ottawa de prix alimentaires plus stables cette année et a conclu qu’un code de conduite des épiciers était la meilleure solution pour augmenter la concurrence dans les secteurs de la distribution et de la transformation alimentaire au Canada. La mise en œuvre d’un tel code a été annoncée cette année. Le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Australie ont des codes similaires qui ont permis de stabiliser les prix de la vente au détail alimentaire et d’offrir plus de variété aux consommateurs. Bien que la plupart conviennent qu’un code de conduite est nécessaire au Canada, le débat se poursuit pour savoir s’il devrait être obligatoire. Les chaînes Loblaw et Walmart Canada s’opposent toutes deux à un code obligatoire, et certains estiment que sans une participation universelle, le code ne fonctionnera tout simplement pas.

 

Approbation de l’édition génétique au Canada

Loin des yeux des consommateurs, l’approbation environnementale de l’édition génétique par Ottawa est peut-être la nouvelle la plus importante de l’agriculture canadienne cette année. L’édition génétique dans l’alimentation fait référence à l’utilisation de techniques telles que CRISPR pour modifier l’ADN de plantes, d’animaux ou de micro-organismes utilisés dans la production alimentaire. Contrairement aux OGM, qui consistent à insérer un matériel génétique étranger d’une espèce différente dans le génome d’un organisme, l’édition génétique permet aux scientifiques de faire des modifications spécifiques au génome d’un organisme, améliorant potentiellement sa valeur nutritionnelle, sa résistance aux maladies ou d’autres traits souhaitables. L’édition génétique permettra de créer des cultures plus résistantes aux ravageurs, aux maladies et aux contraintes environnementales, et peut améliorer leur saveur, leur apparence ou leur durée de conservation. L’édition génétique devrait jouer un rôle crucial pour aider l’agriculture et les agriculteurs à s’adapter au changement climatique.

 

Approbation de la viande cultivée aux États-Unis

Une étape importante a été franchie dans l’industrie de la viande cultivée, avec la USDA accordant l’approbation réglementaire à GOOD Meat et UPSIDE Foods pour la distribution commerciale de leurs produits à base de poulet cultivé dans le pays. Les États-Unis sont devenus le deuxième pays cette année à permettre la commercialisation de la viande cultivée. La viande cultivée, également connue sous le nom de viande de laboratoire, désigne des produits à base de viande produits à partir de cellules animales cultivées en laboratoire, offrant une solution potentielle aux défis environnementaux et éthiques liés à la consommation de viande traditionnelle. Au Canada, le cadre réglementaire est plus complexe, principalement en raison du régime de gestion de l’offre qui régit la production de lait, de volaille et d’œufs, des sources de protéines animales importantes. Le Canada prendra du retard dans les approbations réglementaires pour la viande cultivée, mais l’approbation de cette année aux États-Unis a certainement accru la pression.

 

Amende record dans le scandale de la fixation des prix du pain

Pour la première fois en près de six ans, des progrès importants ont été observés dans l’enquête sur la fixation des prix du pain, initiée en 2015. Canada Bread, actuellement détenu par le mexicain Grupo Bimbo, a reconnu sa culpabilité dans deux incidents distincts de fixation des prix en 2007 et 2011, même si Canada Bread était détenu par Maple Leaf Foods à l’époque. En conséquence, le groupe mexicain a accepté de payer une amende record de 50 millions de dollars, marquant la plus lourde sanction jamais imposée au Canada pour fixation des prix. Loblaws et Weston Bakeries avaient reconnu leur implication dans le scandale du pain, Loblaws présentant des excuses à tous les Canadiens sous forme de carte-cadeau de 25 dollars en 2017, sans être tenu de payer une amende. Cette année encore, quatre entreprises font l’objet d’une enquête, même après huit ans : Sobeys, Métro, Walmart Canada et Giant Tiger.

 

La réduflation et la déqualiflation

Bien que ce soient des pratiques qui existent depuis longtemps, l’année 2023 a mis en avant deux stratégies en transformation alimentaire. Les consommateurs étaient préoccupés non seulement par la hausse des prix alimentaires, mais aussi agacés par les tactiques de l’industrie alimentaire visant à maintenir les prix tout en réduisant les quantités ou en modifiant les ingrédients. La réduflation se produit lorsque les fabricants alimentaires et les restaurants réduisent les quantités sans réduire les prix. Le célèbre Macaroni au fromage Kraft du Canada a été le cas le plus connu cette année, ce qui a contrarié de nombreux consommateurs. La déqualiflation consiste à changer les ingrédients des produits pour réduire les coûts, en remplaçant souvent le chocolat et le fromage par des ingrédients artificiels. Bien que le nombre de cas de réduflation devrait diminuer en raison de la baisse des prix des matières premières en 2024, on prévoit plus de cas de déqualiflation à l’avenir en raison des règles d’étiquetage sur le devant des emballages, pour le sodium, le sucre et le gras, qui devraient être introduites au Canada d’ici 2026.

 

Grèves de haut niveau dans l’industrie alimentaire

Lorsqu’un conflit de travail survient dans l’industrie alimentaire, il ne faut pas longtemps pour qu’il ait un impact sur les consommateurs. Windsor Salt, Sobeys/IGA, Métro, Olymel, l’usine Rogers Sugar à Vancouver, la Voie maritime du Saint-Laurent, les ports de la Colombie-Britannique et Agropur, à deux reprises, ont été touchés par des conflits de travail. Bien que le nombre d’arrêts de travail au Canada n’ait pas été aussi élevé que les années précédentes, de nombreuses grèves cette année ont été de plus longue durée, selon Développement économique et social du Canada. Après des années de déclin, le mouvement syndical semble avoir gagné plus de capital politique et l’a utilisé à son avantage cette année. Fait intéressant, il y a eu aussi une augmentation des membres rejetant des accords provisoires, ce qui indique que les travailleurs voulaient faire entendre leur voix.

 

La campagne de dénonciation des « profits excessifs »

Le sujet de l’année, sans doute. Tout au long de l’année, les Canadiens ont été perplexes face aux accusations constantes de profits excessifs, peu importe ce que cela signifiait. Certains politiciens, groupes d’intérêt et experts ont utilisé à plusieurs reprises le thème des profits excessifs comme une diversion par rapport à des questions économiques plus importantes, telles que les barrières interprovinciales, la tarification du carbone et le projet de loi C-234. La Banque du Canada, le Bureau de la concurrence du Canada, l’Université Dalhousie, et même le Comité parlementaire ont tous déclaré qu’il n’y avait aucune preuve d’abus de la part des bannières dans le secteur alimentaire, mais de nombreux Canadiens sont restés sceptiques. La politisation de l’inflation alimentaire au Canada cette année a été marquée par des débats intenses, souvent entachés d’attaques personnelles et d’accusations de parti pris de divers côtés. En revanche, au sein de l’industrie, les fabricants alimentaires et les épiciers se sont mutuellement blâmés pour la hausse des prix alimentaires. Cette campagne de profits excessifs est probablement le plus grand non-scandale de l’année, exacerbant la situation pour les Canadiens.

 Voilà, profitez des vacances et bonne année 2024 !

 

Par :

Dr. Sylvain Charlebois/Professor/Professeur Titulaire

Senior Director/Directeur Principal

AGRI-FOOD ANALYTICS LAB/LABORATOIRE DE SCIENCES ANALYTIQUES EN AGROALIMENTAIRE

CO-HOST, The Food Professor Podcast