Gérer la croissance

Par Thérèse Garceau

Officiellement lancée en juin 2015, par Claudia Poulin et son conjoint Dominic Dubé, Evive est née de la volonté des cofondateurs d’offrir une solution santé en ligne et en épicerie pour les gens pressés. Mais au-delà de cette volonté, comment le rêve entrepreneurial tient-il la route face à une croissance fulgurante?

Elle-même adepte de smoothies et voulant éliminer le casse-tête associé à leur préparation, Claudia Poulin a choisi d’élaborer ses propres recettes en collaboration avec une nutritionniste. Son but était clair, fabriquer des smoothies en cubes surgelés à base de fruits et de légumes biologiques doublés de superaliments comme la spiruline et le chanvre.

Mais comme l’explique la cofondatrice, qui avoue n’avoir jamais envisagé démarrer une entreprise un jour, les débuts en affaires ont été une période d’apprentissage accéléré pour celle qui a pu compter sur l’accompagnement d’un mentor tant pour son initiation entrepreneuriale que son entrée dans l’industrie de la transformation alimentaire. « Je ne savais même pas que je devais avoir un distributeur pour vendre mes produits. C’est mon mentor qui me l’a appris. »

L’entreprise qui a d’abord commencé à distribuer ses produits en 2016 à la Coop Dalentour de Sherbrooke a rapidement poursuivit sa pénétration dans les épiceries tout en augmentant aussi ses ventes en ligne.

En juin dernier, Evive qui comptait déjà 700 points de vente a vu son volume de commandes littéralement exploser après leur participation à l’émission Dans l’œil du dragon, où ils ont reçu une offre de partenariat de Caroline Néron et Martin-Luc Archambault. En trois semaines seulement, Evive a enregistré une croissance de 800 % de ses ventes. « Nos ventes en ligne montaient en flèche, notre distributeur appelait en panique parce qu’il avait besoin de produits dans les épiceries. Ça venait de tout bord, tout côté. C’était la folie. »

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Claudia Poulin et son conjoint Dominic Dubé

Comme l’explique la cofondatrice, il a fallu très rapidement réajuster le tir à la production, réorganiser les quarts de travail et procéder à des embauches rapidement. Le passage devant les dragons a aussi créé de nouveaux besoins du côté du service à la clientèle, qui jusqu’alors était assuré en dilettante par Claudia Poulin ou son équipe de marketing. L’entreprise a donc dû ouvrir immédiatement un poste à temps plein pour assurer la réception des commandes en ligne qui déferlaient littéralement.

Au total, l’entreprise a dû recruter huit nouveaux employés, et ce, dans les trois semaines qui ont suivi son passage à l’émission, « Nous nous sommes mis en mode restructuration. J’ai dû ajouter des postes clés comme une technicienne comptable, une exécutrice marketing, un superviseur de production, un employé à la logistique web. Nous avons aussi ajouté deux personnes au service à la clientèle et deux journaliers. Il ne fallait pas simplement procéder à l’embauche rapide de journaliers pour pouvoir produire plus de smoothies. Ça a été une véritable redistribution des rôles dans notre équipe. »

La cofondatrice qui a elle-même géré le processus d’embauche en affichant les postes sur la plateforme Indeed, souligne qu’elle a dû réajuster le tir sur certaines embauches qu’elle avait faites trop rapidement.« Nous avons embauché un peu trop vite pour certains postes et nous avons dû faire des changements à la suite de certaines embauches. Une deuxième ronde d’embauche a été nécessaire. Dans l’avenir, nous devrons prendre plus de temps pour bien cibler nos besoins. Nous sommes vraiment enlignés sur les valeurs de l’entreprise et nous voulons des gens qui s’intègrent bien dans notre mission. Il faut que ce soit un bon fit avec la culture de l’entreprise. »

Si le dernier recrutement visait à répondre aux besoins actuels de l’entreprise, cela n’est que le début d’une toute nouvelle structure qu’Evive souhaite mettre en place. Claudia Poulin estime qu’elle devra embaucher cinq autres personnes dans les six prochains mois, notamment des représentants en vente et des personnes supplémentaires au service à la clientèle. Si elle souligne n’avoir eu aucune difficulté à recruter, elle ajoute qu’au chapitre de l’embauche des journaliers en usine, le directeur de production doit parfois faire appel à des agences de placement.

Aujourd’hui, Evive, qui compte maintenant 24 employés, a plus de quatre mille abonnés en ligne, alors qu’elle en avait sept cents avant son passage à l’émission et ses produits sont maintenant distribués dans huit cents points de vente au Québec.

L’entreprise, dont l’usine est située à St-Hyacinthe et qui a pignon sur rue à Montréal depuis janvier dernier, a d’ailleurs dû louer un nouveau local entièrement dédié aux commandes en ligne et qui fonctionne 4 jours par semaine avec un employé à temps plein et un autre à temps partiel. « Avant les envois se faisaient à l’usine, mais c’est devenu trop gros et nous n’avions plus de place. Nos ventes aux points de vente ont aussi décuplé. Nos distributeurs nous demandent de plus en plus de produits. Des chiffres disproportionnés que nous n’avons pas en inventaire, du genre j’ai besoin de quinze palettes pour la semaine prochaine. Et ça n’a pas lâché, nous sommes toujours en rupture de stock trois mois après l’émission. »

La cofondatrice d’Evive qui doit actuellement jongler avec des limitations au chapitre de son approvisionnement reste confiante de pouvoir bientôt mieux répondre à la demande. « Nous devons renoncer pour l’instant à certaines opportunités qui se présentent. Nous avons hâte de pouvoir prendre le dessus au niveau de la production, mais nos ventes vont très bien. Nous faisons notre possible, mais il ne suffit pas de produire plus de smoothies, c’est plus complexe que cela. Il faut aussi penser à l’espace, la logistique, les achats, l’impact sur les RH mais aussi les liquidités. »

Elle ajoute que la croissance est un bon défi qui exige une réflexion approfondie sur les enjeux pour trouver les meilleures solutions pour assurer l’équilibre de l’entreprise. « On ne dit jamais non catégorique, mais quand nous ne pouvons pas accepter une commande, on essaie de la repousser.»

En ce qui a trait aux pourparlers entre Evive et les dragons, Claudia Poulin souligne que bien que leur passage à l’émission ait été profitable, la collaboration n’aura pas de suite. « Ça nous ont donné beaucoup de visibilité, mais nous sommes déjà ailleurs. J’ai rencontré Caroline Néron pour un suivi de coaching après l’émission, mais il n’y a pas eu de suite. On n’ira probablement pas plus loin avec cela. »

Les défis du financement
Le 22 août dernier, Evive se voyait accorder une aide financière des gouvernements du Québec et du Canada, à hauteur de 42 000 $, pour déployer une stratégie de lancement de « smoothies » dans de nouveaux marchés. « Cela va nous permettre de mettre plus d’énergie sur le développement de nouveaux marchés, tel que la vente web que nous avons commencé en janvier dernier. Il est clair qu’avec les résultats que nous obtenons présentement nous voulons développer davantage cette plateforme de vente. »

Actuellement en ronde de financement, Evive souhaite pouvoir lever entre 500 000 $ et 1 M $ pour faire l’acquisition de nouveaux équipements et augmenter ses capacités d’inventaire. Cet investissement lui permettra de faire passer sa production de 40 000 rondelles de smoothies à 80 000. « Ça augure bien, il y a plein de gens qui nous ont signalé leur intérêt. Par contre, nous avons tellement été pris dans les opérations ces derniers mois, que nous n’avons pas eu le temps de travailler le financement. Dominique entreprend cela cette semaine. »