Fraude alimentaire : que se passe-t-il dans l’industrie?

(Ce texte réagi à celui sur la fraude alimentaire présenté dans la Presse + de jeudi 16 juin dernier.)

Par Lyne Gosselin, éditrice LE must, l’Actualité ALIMENTAIRE, co-fondatrice Programme DUX

À titre d’éditrice et ayant moi-même passé plus de 20 ans du côté des usines alimentaires, je me suis immédiatement sentie interpellée et ce tant du côté de l’industrie que comme consommatrice!

Un producteur de tomate se fait prendre en flagrant délit de fraude alimentaire et voilà le débat ouvert : est-ce le début d’une tendance?

Je me pose ces questions : Est-ce que l’industrie le fait délibérément?  Est-ce à cause des lois et règlements sur les intrants qui sont moins sévères à l’entrée du Canada? Est-ce une réaction à la pression des prix vers le bas qu’imposent un dollar qui frôle les pâquerettes?, des coûts fixes qui croissent sans cesse et les frais de plus en plus importants imposés pour la distribution? Est-ce parce que le consommateur désire payer de moins en moins cher?

On peut aussi se demander où commence la fraude.

Selon Sylvain Charlebois, doyen de la faculté de gestion de l’université Dalhousie, à Halifax, la fraude alimentaire existe depuis des millénaires et est très difficile à détecter. « En fait, ce n’est pas la fraude alimentaire qui est en hausse, c’est la technologie qui permet aujourd’hui de retracer les origines du produit qui fait toute la différence et permet de dépister cette pratique frauduleuse », soutient-il. De son côté, Jean-Claude Dufour, doyen de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation à l’Université Laval croit que la fraude alimentaire sera plus fréquente dans le futur. « Le Canada est un marché mature où le taux de croissance de la consommation (en volume) est faible et où les consommateurs et consommatrices sont des adeptes de l’achat local. C’est donc un positionnement de choix pour toute entreprise. »

Interrogée sur la question, Sylvie Cloutier, présidente et directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire, estime pour sa part que c’est la législation dans l’importation de produits qui est déficiente au Québec. « On laisse entrer des produits qui ne respectent pas nos propres règles! Les lois et règlements sur les produits importés ne sont pas aussi rigoureux que l’est la réglementation canadienne! Les inspections devraient se faire aux postes frontières, ce qui nous permettrait d’avoir un meilleur contrôle sur nos intrants ! » Les risques sont donc transférés aux transformateurs qui, eux, se fient à ce qu’on leur a vendu. C’est d’ailleurs l’un des éléments soulevés par Jean-Claude Dufour, selon qui « Nul doute que la recherche de bas coûts de production stimule ce genre de pratiques par l’accès aux matières premières moins dispendieuses en dehors du Canada. Enfin, c’est regrettable de voir des entreprises utiliser ce genre de stratégie pour gagner des parts de marché la plupart du temps éphémères. »

Cela soulève également la question des certifications. « Le transformateur demande beaucoup de certifications, du petit producteur aux vendeurs, mais il n’y a aucune garantie sur les intrants importés, explique Sylvie Cloutier. Il faut travailler encore plus sur la traçabilité. Les transformateurs sont vigilants, mais ils peuvent être floués!» Jean-Claude Dufour renchérit « Ce genre de situation nous éveille également au besoin d’allouer encore plus de budget aux certifications locales comme Aliment du Québec, un excellent moyen de compléter les besoins grandissants d’inspection des aliments. »

En sommes, tous sont unanimes sur un point, la fraude alimentaire risque d’augmenter ou d’être plus détectée. Comment pouvons-nous travailler ensemble sur cette problématique et y faire face?

J’aimerais vous entendre, écrivez-moi à redaction@actualitealimentaire.com

Lyne Gosselin