LA SANTÉ DU SECTEUR ALIMENTAIRE EN 2014 : BONNE OU MAUVAISE?

Qu’est-ce qui mijote du côté de l’économie et du secteur alimentaire pour 2014? À première vue, les ingrédients sont réunis pour que l’année soit favorable. Toutefois, plusieurs facteurs pourraient assombrir ce pronostic. Quels sont-ils?

Par Joëlle Noreau,

Économiste principale chez Desjardins

Au chapitre de l’économie, l’année 2014 se présente sous de bons auspices. Aux États-Unis, les incertitudes se dissipent graduellement. Le secteur de l’habitation prend du mieux et le marché du travail cumule de nouveaux emplois. Il est vrai que les progressions sont modestes, mais elles sont continues. Par ailleurs, les querelles autour de la situation budgétaire du gouvernement sont apaisées pour un bon moment, ce qui évitera la paralysie de l’administration fédérale comme on l’a connue l’automne dernier. Dans l’ensemble, le tonus général de l’économie américaine sera meilleur en 2014 qu’en 2013.

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Évidemment, il faudra compter également sur l’Europe et l’Asie. À ce chapitre, toutes les inquiétudes ne sont pas dissipées. Il y aura encore un peu d’hésitation en zone euro cette année, mais la récession est chose du passé. En Chine, la croissance sera modérée par rapport aux progressions rapides des années 2000. Malgré cela, elle continuera d’exercer une pression sur la demande mondiale de matières premières, ce qui limitera une diminution de prix. Toutefois, l’instabilité entourant les pays en développement brouille les perspectives. Pour le moment, les craintes d’une baisse des devises des pays émergents pourraient peser lourdement sur les prix des matières premières. Tant que cette incertitude ne sera pas levée, les investisseurs demeureront nerveux et les prix n’afficheront pas une tendance claire.

Plus près du Québec, le Canada connaîtra également une meilleure année en 2014. C’est l’ouest du pays qui sera en tête de peloton. Les échanges avec les provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan devraient être favorisés. Il y aura création d’emplois un peu partout, ce qui devrait soutenir la demande pour les produits alimentaires, notamment. En parallèle, la croissance de l’économie québécoise sera supérieure à celle de l’an dernier, mais elle n’atteindra pas 2 %.

Du côté des taux d’intérêt, les entreprises pourront souffler encore un peu. Bien que les économies américaine et canadienne prendront du mieux en 2014, ce ne sera pas suffisant pour que les banques centrales (respectivement la Réserve fédérale et la Banque du Canada) décident de hausser les taux d’intérêt directeurs cette année. Les taux hypothécaires, qui sont liés de près à ceux des obligations, augmenteront quelque peu.

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Le dollar canadien, dont la progression dans les années 2000 en a fait frémir plus d’un, demeurera sous la parité avec le dollar américain. Peu de conditions sont propices à un huard fort. Il devrait évoluer dans une fourchette de 0,90 US$ à 0,95 US$ une bonne partie de l’année. Ceci sera favorable aux exportateurs. De plus, cela rendra les produits d’ici plus attrayants par rapport aux produits comparables qui sont importés puisque le pouvoir d’achat des importateurs sera diminué.

Du côté de l’énergie, les scénarios catastrophes annonçant les prix du baril à 200 $US ne trouvent plus d’écho. La donne a changé. L’exploitation du pétrole de schiste aux États-Unis a amoindri la dépendance américaine par rapport aux fournisseurs étrangers et a fait baisser quelque peu la pression sur la demande mondiale. Ainsi, le prix moyen du WTI en 2014 sera d’environ 94 à 95 $US, comparativement à 98 $US en 2013. Évidemment, tout soubresaut géopolitique pourrait changer ce scénario, mais, pour le moment, cette prévision tient la route.

A priori, la demande mondiale pour les denrées agricoles devrait augmenter quelque peu et soutenir les prix. Reste à savoir si la production suivra la cadence. Celle-ci repose sur des facteurs qui ne sont pas qu’économiques. Les éléments climatiques et les épidémies chez les animaux sont au nombre des causes qui pourraient faire dérailler les meilleures estimations. À ce titre, l’épidémie détectée chez les porcs américains pourrait chambouler les prix pour ces animaux, ceux des viandes substituts ou, encore, ceux des grains destinés à leur alimentation. Ces éléments pourraient avoir plus d’impact que des considérations économiques.

Toutefois, d’autres événements pourraient aussi avoir un effet sur la santé du secteur alimentaire. Les conséquences des négociations commerciales pourraient à leur tour bousculer l’industrie. Alors que les évènements climatiques et de maladie commandent une réaction immédiate, les accords commerciaux laissent un peu plus de temps pour s’adapter. Il n’y a pas de mise en œuvre majeure de nouvelles règles commerciales attendues pour 2014, toutefois, il faut demeurer à l’affût.

Enfin, la connaissance des goûts des consommateurs est un autre facteur qui peut avoir un effet considérable sur le succès des entreprises d’ici. Bien des tendances semblent s’opposer, mais il y en a une qui est un dénominateur commun : la préoccupation pour la santé. Selon toute vraisemblance, celle-là ne disparaîtra pas en 2014.

À la question « quel sera l’état de santé du secteur alimentaire en 2014? », on peut répondre qu’il sera bon, dans la mesure où la conjoncture économique lui sera favorable. Reste à savoir si les autres facteurs viendront jouer les trouble-fête.