Le Québec déclare la guerre aux coûts cachés

« Le projet de loi 72 du Québec apporte une transparence tant attendue dans les épiceries et les restaurants, permettant aux consommateurs de découvrir enfin le véritable coût de leurs achats alimentaires. »

Le Québec a franchi cette semaine un pas notable qui mérite l’attention des autres provinces. En introduisant le projet de loi 72, le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, a amorcé une démarche vers une plus grande transparence des prix dans les épiceries et les restaurants—une initiative attendue depuis longtemps.

L’impact du projet de loi sur les épiceries est significatif. S’il est adopté, il exigera que les produits alimentaires taxables soient clairement identifiés au point de vente. Actuellement, l’épicerie moyenne compte plus de 4 600 produits taxables, mais la plupart des consommateurs ignorent quels articles sont soumis à la taxe, car peu d’entre eux scrutent leurs reçus de près. Au Québec, où les taxes de vente peuvent ajouter plus de 15 % au coût des biens taxables, cette méconnaissance a des conséquences notables.

La montée de la réduflation—où les produits rétrécissent—complique encore les choses, car de nombreux articles auparavant non taxables, comme les collations, tombent désormais dans des catégories taxables. Ainsi, des produits comme la crème glacée et les barres granola, qui étaient exonérés de taxe l’an dernier, sont désormais soumis à l’imposition.

Bien que le débat éthique sur la taxation des aliments demeure un enjeu important, l’effort du Québec est louable. En plus d’exiger une clarté sur les articles taxables, les épiciers devront différencier les prix pour les membres et les non-membres, une réponse à la complexité croissante des programmes de fidélité offerts par les détaillants. Le projet de loi introduit également une tarification à l’unité standardisée basée sur des quantités dans toutes les catégories alimentaires. Cette approche uniforme facilitera la comparaison des prix, au bénéfice des consommateurs tout en améliorant l’efficacité du marché.

Une autre réforme importante concerne l’exactitude des prix. Le Code d’exactitude des prix, mis en place il y a des décennies, protège les consommateurs contre les erreurs de tarification à la caisse. Si un article scanné affiche un prix plus élevé que celui indiqué, le client a droit à un ajustement de prix. Pour les articles de moins de 10 $, le produit est offert gratuitement, tandis que pour les articles de plus de 10 $, les clients reçoivent une remise de 10 $. Cependant, l’inflation a poussé un pourcentage croissant des articles d’épicerie bien au-delà du seuil des 10 $, les estimations suggérant que 15 à 25 % des articles dépassent désormais ce montant. Pour y remédier, le projet de loi 72 porte ce seuil à 15 $, mieux aligné sur les niveaux de prix actuels et garantissant une protection continue des consommateurs.

Ces réformes n’imposent pas de coûts supplémentaires aux épiciers et peuvent être mises en œuvre rapidement. D’un point de vue opérationnel, les changements sont minimes, nécessitant seulement des ajustements procéduraux. Étendre ces mesures à l’ensemble du Canada bénéficierait grandement aux consommateurs sans perturber les détaillants.

Le projet de loi 72 vise également à réformer les pratiques de pourboires, un domaine qui suscite de plus en plus de mécontentement chez les consommateurs. L’augmentation des demandes de pourboires aux terminaux de paiement a entraîné ce que l’on appelle souvent la « fatigue du pourboire », où les consommateurs se sentent pressés de donner un pourboire sans comprendre pleinement combien ils ajoutent. Le projet de loi vise à simplifier ce processus en exigeant que les pourboires soient calculés sur les montants avant taxes, plutôt que d’inclure les taxes provinciales et fédérales.

Le silence de l’industrie de la restauration sur la question des pourboires est frappant. Pendant des années, malgré le mécontentement croissant des consommateurs, l’industrie n’a pas su prendre les devants sur cette question. C’est pour cette raison qu’avec le projet de loi 72, le gouvernement du Québec intervient, et il ne serait pas surprenant que d’autres provinces emboîtent le pas.

Le leadership du Québec en la matière établit un précédent précieux, et il est temps que les autres provinces prennent note. Ces réformes ne sont pas seulement bénéfiques, elles sont essentielles pour maintenir la confiance des consommateurs et promouvoir l’équité sur le marché.

Dr. Sylvain Charlebois/Professor/Professeur Titulaire
Senior Director/Directeur Principal
AGRI-FOOD ANALYTICS LAB/LABORATOIRE DE SCIENCES ANALYTIQUES EN AGROALIMENTAIRE
CO-HOST, The Food Professor Podcast