Les marques québécoises en difficulté face à un marché plus économe

Normalement, la grand-messe de la filière agroalimentaire québécoise qui rassemble les grands acteurs du milieu ressemble toujours davantage à une célébration en famille pour oublier maux et chicanes. On discute des problèmes dans les couloirs et les salles privées, rarement sur scène. Cependant, cette année il n’y avait pas de chicane, du moins, pas de manière visible, mais de toute évidence le marché des consommateurs a changé, malheureusement pas pour le mieux.

Lors de la rencontre des décideurs qui se déroulait à Drummondville la semaine dernière, Francis Parisien de la firme NIQ a offert un portrait cruellement réaliste du marché actuel. Ce dernier a livré un message très, très sobre dans une salle bondée de spécialistes du secteur, où personne n’était vraiment surpris d’entendre le contenu du discours prononcé. Avec l’inflation qui frappe toute la planète à l’heure actuelle, les entreprises québécoises savent très bien que nul n’est sorti du bois, autant les entreprises que les consommateurs.

Bref, le message se voulait clair. Dans un marché composé dorénavant de consommateurs plus économes, les marques québécoises et locales ne sont pas nécessairement avantagées.

Les marques québécoises ont été lourdement affectées par l’inflation durant la dernière année. Leur part de marché a glissé de 29,2 % à 28,2 %, en une seule année. Les magasins au rabais font aussi des affaires d’or depuis un an. Les ventes alimentaires des magasins du dollar ont augmenté de 15 % et celles des magasins au rabais ont vu leurs ventes alimentaires augmenter de 10 %. Pendant que le marché priorise les rabais, les produits québécois perdent des parts de marché, voyant leur part du gâteau diminuer de presque 1 %, ce qui est considérable en alimentation. 

Certains produits québécois se font maintenant retirer de la liste au profit de marques américaines, puisque les grandes enseignes cherchent à maintenir leur marge bénéficiaire dans un marché plus difficile et restreignent le nombre de produits vendus.   

Autrement dit, les produits québécois se positionnent mal dans un marché plus économe. Plusieurs des marques québécoises se démarquent parmi les produits non essentiels. Et ces temps-ci, il y a moins de place pour les achats discrétionnaires dans le budget des consommateurs. Puisque les prix sont susceptibles d’augmenter encore pour un certain temps, cette tendance risque de continuer.

Les marques privées ont aussi la cote, et plusieurs d’entre elles ne sont pas nécessairement québécoises. La part de marché des marques privées dans le domaine alimentaire atteint maintenant 17,5 %, une hausse de 1,2 % depuis un an, soit presque 2 milliards de dollars de vente de plus comparativement à l’an passé.

Et toujours selon NIQ, les consommateurs du Québec achètent moins de nourriture, environ 6 %, en volume ! Ces données nous étaient rapportées par Marie-Ève Fournier de La Presse il y a quelques semaines.

Fait intéressant, les Québécois achètent québécois en ligne. Selon NIQ, 36,6 % des produits achetés en ligne sont québécois. Le hic, seulement 1,8 % des ventes alimentaires au Québec se fait en ligne, le taux le plus bas au Canada. Il faudra donc inciter les Québécois à acheter en ligne.

Malgré un pronostic sombre du marché, le ministre, André Lamontagne, responsable de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, demeure optimiste et la stratégie québécoise fait son petit bonhomme de chemin. La province a investi davantage dans différents projets prometteurs qui ont permis au Québec de produire davantage, toute l’année. La production biologique prend aussi de l’ampleur. Pendant que les consommateurs éprouvent des difficultés, le Québec avance toujours. 

La réunion à Drummondville a judicieusement porté sur trois thèmes très importants : l’innovation, le consommateur et la jeunesse. Les participants ont eu la chance de voir une belle parade de jeunes entrepreneurs dynamiques, ayant tous des parcours tout aussi intéressants qu’inspirants. Olivier Dupuis des Pêcheries Gaspésiennes, Maude St-Pierre de Seva Nature, Leda Villeneuve de Ferme Vigo, Simon Michaud de Désherbex, Marc-Antoine Bovet d’Oatbox, Lysanne Gingras de Chickumi et Charles Verdi de Gourma ont tous impressionnés l’auditoire, l’un après l’autre. Ils constituent la relève entrepreneuriale dont le secteur a grandement besoin. La tribune que cette rencontre a offerte à ces jeunes était plus que méritée.

Pour permettre aux produits québécois de rayonner, il faut penser différemment et aller chercher les plus jeunes générations extrêmement sollicitées par des réseaux sociaux sans frontières. La quête d’un sens identitaire en alimentation se perd un peu avec les Tik Tok et Instagram de ce monde. C’est normal, alors il faut y travailler. Rien de mieux que d’avoir des jeunes pour attirer des jeunes.

Le secteur en a déjà vu d’autres et le ministre aussi. Certes, l’inflation frappe violemment les consommateurs ces derniers temps, mais il existera toujours des débouchés pour nos entreprises de chez nous, que ce soit pour les consommateurs d’ici ou d’ailleurs.

Les participants à Drummondville ont bel et bien entendu un message qu’ils avaient besoin d’entendre et non un message qu’ils auraient voulu entendre. Cela n’arrive pas trop souvent, mais cette fois-ci, c’était nécessaire.