Sauver Olymel

« Olymel se retrouve en eau trouble et cela concerne tout le monde. L’entreprise emboîte tranquillement les pas suivis par Maple Leaf Foods il y a quelques années. Ça va faire mal, mais l’entreprise québécoise n’a pas le choix. »

La filière porcine québécoise n’est pas vraiment en crise mais ça va mal. Elle vit plutôt un nouveau cycle de ralentissement, encore une fois. Toutefois, le redressement que vivent Olymel et les producteurs s’avère tout de même assez radical. Après l’annonce la semaine dernière de la fermeture de trois usines au Québec, Olymel planifie maintenant de réduire ses abattages de 20 % à compter de juin, une diminution de presque 40 % en deux ans. Annuellement, cela représente plus d’un million de bêtes abattues en moins au cours d’une année. On comptera sûrement moins de producteurs porcins d’ici la fin de l’année que les 2 400 éleveurs de porcs qu’on dénombre actuellement au Québec.

D’un côté, il y a Olymel qui se retrouve dans une fâcheuse situation financière depuis quelques années en accumulant une dette qui dépasse les 800 millions de dollars, et des pertes de presque 400 millions depuis deux ans. Au Québec seulement, le secteur porcin emploie plus de 30 000 travailleurs et apporte environ 3,4 milliards de dollars à l’économie de la province. Attendez-vous à ce que le gouvernement québécois intervienne d’ici quelques mois. Ne soyez pas surpris si l’on sollicite encore les contribuables !

Pendant ce temps-là, les choses progressent chez Maple Leaf Foods qui a effectué son virage technologique il y a plusieurs années, avec sa nouvelle usine à Hamilton pour le porc, et une autre à London pour le poulet. Pour ce faire, l’entreprise a fermé une multitude d’usines désuètes et emploie moins de personnel mais au moins elle est rentable. L’action de l’entreprise se transige à plus de 26 $, un sommet depuis août 2022. Mais le marché desservi par ce géant manufacturier se concentre principalement en Amérique du Nord. Tandis qu’Olymel exporte énormément et se voit ainsi exposée aux forces très instables du marché ces temps-ci.

Un récent rapport de Rabobank indique que le ralentissement économique qui prévaut sur les marchés mondiaux affectera la demande de porcs pour les prochains mois. Même si le porc demeure une protéine animale abordable, les consommateurs font plus attention à leurs dépenses. Le taux d’inflation alimentaire se situe autour de 10 % au Canada, mais il dépasse 20 % au sein de divers pays occidentaux. Toujours selon le rapport, la réouverture de la Chine s’accompagne d’une arme à double tranchant. La Chine est le plus grand consommateur de porcs au monde, mais le pays produit aussi beaucoup de porcs, énormément de porcs. Et Olymel dépend beaucoup des marchés comme la Chine.

La Chine se transforme. D’abord, la grippe porcine semble faire moins de ravage en Chine comme par le passé ce qui aide le pays. Entre 2017 et 2019, la Chine perdait le tiers de ses bêtes, poussant les prix à la hausse sur le marché. Partout, c’était la fête partout chez les producteurs, incluant au Québec. Olymel achetait Pinty’s en 2018 et F. Ménard en 2020. 

Pendant ce temps, la Chine augmentait de façon spectaculaire sa capacité de produire. À la périphérie sud d’Ezhou, une ville de la province du Hubei au centre de la Chine, un immeuble géant de style appartement surplombe la route principale. Comptant 26 étages… c’est de loin la plus grande ferme porcine à bâtiment unique au monde, avec une capacité d’abattage de 1,2 million de porcs par an. À peu près l’équivalent de ce qu’Olymel abattra en moins cette année.

Pour en rajouter, en 2013, les Chinois achetaient Smithfield’s aux États-Unis, le plus grand producteur de porcs du monde et développaient une réserve stratégique pour son porc, créé en 2008. Le porc pour les Chinois, c’est fort. Nul ne se surprendrait si les Chinois tentaient d’acheter Olymel.

Mais contrairement à Maple Leaf Foods, Olymel a du mal à s’entendre avec ses fournisseurs, notamment les producteurs de porcs du Québec. Les producteurs ont dû faire des concessions en avril dernier en obtenant un prix moindre par bête. Mais tout porte à croire qu’ils devront en faire davantage. La survie et la viabilité d’Olymel doivent devenir la priorité pour tout le monde, incluant les producteurs porcins.

Mais les choses se replaceront éventuellement. Il faut avoir les reins solides et le cœur fort pour survivre dans le secteur porcin. La gestion d’Olymel n’est pas vraiment en cause, du moins pas l’équipe qui est en place présentement. Elle doit suivre un plan similaire à celui suivi par Maple Leaf Foods il y a quelques années. Elle fait ce qu’elle peut, malgré les circonstances. Mais l’entreprise a besoin des producteurs porcins qui agissent de manière collaborative afin d’assurer sa survie. Le monde a bien changé en seulement quelques années.