Souveraineté alimentaire : maintenir Metro au Québec

L’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) a lancé la semaine dernière une note de recherche sur un enjeu crucial pour la souveraineté alimentaire du Québec. En effet, Métro est le seul des trois principaux distributeurs alimentaires à avoir conservé son siège social au Québec.

En raison de la composition de son actionnariat, Métro est vulnérable à des offres d’achat non sollicitées. Le rapport de l’IRÉC analyse le rôle de Métro dans l’économie agroalimentaire du Québec et définit des moyens non seulement d’en conserver le contrôle, mais aussi d’améliorer sa contribution au développement de l’ensemble du secteur. « Nous recommandons de favoriser l’accès des produits alimentaires québécois aux tablettes des magasins d’alimentation intégrés ou associés aux grandes chaînes de distribution et que des fonds institutionnels comme la Caisse de dépôt et placement du Québec leur entrée dans le bloc de contrôle de Métro, de façon à maintenir ce distributeur au Québec », ont expliqué David Dupont et François L’Italien, chargés de projet à l’IRÉC.

« L’important volume de ventes des distributeurs et leurs politiques d’approvisionnement leur confèrent une influence déterminante dans la chaîne de valeur de l’industrie agroalimentaire, qui comprend aussi les segments de la transformation et de la production alimentaires, ont poursuivi les chercheurs. Au Québec, un oligopole formé de trois acteurs se partage environ 70 % des aliments distribués. Métro est le seul distributeur alimentaire d’envergure nationale dont le siège social est toujours au Québec. Il est fortement ancré dans les régions du Québec non seulement par le biais de ses centrales de distribution et par les fournisseurs qui y acheminent leurs denrées, mais aussi par les détaillants affiliés au groupe qui offrent des produits locaux sur leurs étagères. La perte de contrôle du centre décisionnel de cette société fragiliserait tout le secteur agroalimentaire du Québec ».

Du modèle « quasi coopératif » à la gouvernance actionnariale

Depuis ses débuts en 1947, le contrôle de Métro s’est déplacé des marchands qui l’ont fondé à des investisseurs institutionnels situés pour la plupart à l’extérieur du Québec. « Au nom de quel principe les gestionnaires des principaux fonds formant ensemble le bloc de contrôle de la compagnie refuseraient-ils une offre publique d’achat (OPA), si celle-ci avait pour conséquence d’accroître la valeur de leurs actions », ont souligné les chercheurs de l’IRÉC.

En analysant la structure actionnariale, ils ont aussi constaté que si la Caisse de dépôt et placement a déjà pris une participation financière au sein de Métro, elle n’apparaît pas avoir été structurante à long terme. Elle était l’actionnaire principal de Métro en 1993 en détenant 14,5 % du capital-actions, elle ne détenait plus que 0,66 % en 2009, étant du coup exclue du bloc de contrôle de la société. « Alors que l’on connaît l’importance des prises de participation financière dans l’orientation des sociétés occupant un rôle déterminant pour l’économie, il y a lieu de penser que la Caisse aurait pu conserver une position dans le peloton de tête des actionnaires de Métro, de manière à consolider l’ancrage québécois du distributeur », ont constaté les chercheurs. Ces derniers ont également suggéré la création d’un fonds d’investissement agroalimentaire québécois capitalisant l’épargne salariale des employés de la chaîne de valeur et entrant dans l’actionnariat de Métro.

L’importance des sièges sociaux pour le Québec

Les auteurs se sont enfin longuement penchés sur le rôle structurant des sièges sociaux pour une économie. « L’intérêt pour le Québec à préserver ses sièges sociaux est manifeste, disent-ils. Les sièges sociaux sont les centres de décision des entreprises appelés à mettre en application la volonté des conseils d’administration, distribuant les ressources dans les diverses filiales et succursales. Parmi ces fonctions, on retrouve généralement la planification stratégique, les communications des sociétés, la comptabilité, les affaires légales, la publicité, les services de ressources humaines, etc. ».

« Dans l’optique du débat actuel au Québec sur la préservation des sièges sociaux et sur celui de la souveraineté alimentaire, ont conclu David Dupont et François L’Italien, l’enjeu du contrôle de la distribution alimentaire est une variable cruciale pour le succès de l’action publique en matière agroalimentaire ».

Pour télécharger la Note de recherche de l’IRÉC Le contrôle de Métro : l’angle mort de la politique de souveraineté alimentaire et connaître les résultats des autres travaux de l’IRÉC, cliquez ici.

SOURCE : IRÉC

Photo à la une : Metro