« On voit le déchet comme une ressource. C’est la clé ! »  – Sonia Gagné PDG de RECYC-QUÉBEC 

La fée marraine n’aura pas besoin de ses pouvoirs pour transformer les déchets des uns en ressource pour les autres. Le processus n’a rien de magique, il est plutôt logique. Voici le mandat que poursuit RECYC-Québec en soutenant, à travers la province des douzaines de projets de symbiose agroalimentaires et d’économie circulaire. En Montérégie, c’est 415 000 $ qui sera investi au cours des prochains mois.  

« On voit le déchet comme une ressource. C’est la clé, explique Sonia Gagné présidente-directrice générale de RECYC-QUÉBEC. Il y a trois ans on avait financé déjà 14 projets de symbiose qui ont porté fruit. On remet ça avec une quinzaine d’autres, incluant ceux de la Montérégie, où on va encore plus loin.» 

En plus de la symbiose, ce nouvel appel de proposition qui découle du Plan d’action 2019-2024 de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles demandait aussi d’adopter une stratégie d’économie circulaire. 

Considérer tout le cycle de vie  

« Il faut désormais considérer tout le cycle de vie des produits, de leur mise en marché jusqu’à la fin de leur usage utile, indique Mme Gagné. En d’autres termes, l’économie circulaire c’est de penser à concevoir les produits pour qu’ils aient le moins d’impact possible sur l’environnement pendant leur fabrication, leur usage et après.  Il faut penser spécifiquement à l’éco-conception, à ce qu’ils soient facilement réutilisables, réparables et recyclables. » 

Symbiose Agroalimentaire Montérégie a relevé le défi et aura un appui de 210 315 $ de RECYC Québec pour épauler les entreprises qui, par exemple, ont des enjeux de gestion des matières organiques. Quant à la MRC de La Haute-Yamaska, c’est 204 560 $ qui lui sera accordé pour effectuer un maillage entre les industries locales pour partager ressources, sous-produits, équipements, services et même énergie.  

« Rappelez-vous la mission de RECYC-Québec, insiste Sonia Gagné. Prévention du gaspillage et la préservation des ressources. Les stratégies d’économie circulaire s’inscrivent naturellement dans cette transition qui nous attend. » 

17 800 tonnes de matière qui évitent la déchetterie 

Promesse vaine ? Pas du tout. Selon le plus récent bilan du Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTÉI), qui a mesuré l’impact de 11 projets de symbioses, la concrétisation de plus de 420 synergies a permis de dévier de l’élimination 17 800 tonnes de matières résiduelles, a amené des économies de 4,3 millions de dollars et de rayer 9 200 tonnes d’éq. CO2 du bilan de gaz à effet de serre (GES).  

RECYC-Québec ne se contente pas d’appuyer financièrement les projets. Une entreprise qui voudrait prendre part à l’expérience peut s’adresser à l’organisme pour être jumelé avec des projets déjà existants de symbiose de sa région. « Sur le terrain, on déploie des animateurs qui initient des rencontres et activités de mariages parmi les entrepreneurs, explique Sonia Gagné. Pour que ces gens se parlent. C’est souvent garant de succès. »  

Du sanglier nourri à la drêche en apéro  

Dans une boucle qui concerne l’agroalimentaire, la microbrasserie Moulin 7 d’Asbestos, est une véritable inspiration. « Les résidus de drèche créés par le brassage des céréales trouvent une seconde vie dans des fermes voisines, raconte Sonia Gagné. Au lieu de payer pour l’enfouir, ça devient la nourriture des sangliers de l’élevage d’à côté, qui pour finir sont nourris à moindre coût. Une belle économie de ressources et d’argent.  

Et la beauté de ça ? C’est que la microbrasserie va servir du sanglier à l’apéritif !  

Ces boucles-là peuvent se produire à l’échelle locale mais aussi à plus grande échelle. On pourrait aussi citer l’exemple des Jus LOOP, aussi financé par RECYC-Québec. Une startup et un géant de la distribution en fruits et légumes ont mis en commun leurs besoins. « Les fruits et légumes déclassés de Courchesne-Larose, destinés à l’enfouissement, sont maintenant transformés dans des jus à valeur ajoutée chez LOOP, rappelle Mme Gagné. La pulpe devient soit de la pâte à pizza, soit des gâteries nutritives pour chien. » 

Réduire à la source et prévenir le déchet ultime.  

« Il faut penser en amont, insiste la présidente-directrice générale de RECYC-Québec. Ça demande que les modèles d’affaires soient revus, poursuit-elle. Les entreprises doivent pouvoir se rencontrer, se parler et s’ouvrir sur leurs pratiques d’affaires. Il faut créer ces liens et cette confiance. » 

Les deuxièmes assises sur l’économie circulaire organisées par l’organisme auront d’ailleurs lieu virtuellement les 26 et 27 mai prochain. C’est important pour nous de soutenir des projets qui peuvent inspirer, être imités et se répliquer”, précise Mme Gagné.  

Pour 2021, la table est aussi mise pour lutter contre le gaspillage alimentaire, un enjeu prioritaire pour les prochains mois. « Bien sûr, nous sommes là pour appuyer les municipalités dans le déploiement du bac brun, confirme la présidente. Mais on est aussi là pour aider population et entreprises à mieux planifier pour éviter que trop de matière s’y retrouve ! ». RECYC-Québec chapeaute d’ailleurs une étude pour quantifier les pertes et le gaspillage alimentaire au Québec.    

La transition énergétique et la lutte aux changements climatiques pressent les sociétés d’agir partout sur la planète. Le Québec n’y échappe pas. « La modernisation de la consigne devra se concrétiser d’ici 2022, tous les contenants de boissons entre 100 ml et 2L deviennent consignés, rappelle Sonia Gagné. Aussi sur notre table à dessin, le chantier de modernisation de la collecte sélective devra atterrir en 2024. » 

Avec tout ça, RECYC-Québec s’active aussi à penser aux matériaux de la transition. « Les nouvelles technologies créent de nouveaux déchets. Les batteries de voitures électriques, par exemple, soulève la présidente. Il faut penser tout de suite à leur fin de vie. » 

Enfin, si de penser à la fin d’un produit dès le début de son cycle de vie n’est pas nécessairement acquis pour tous, Sonia Gagné reste persuadée que l’exigence des consommateurs fera la différence. « Ils sont informés. L’urgence climatique est connue et partagée, les jeunes nous attendent. Ça a déjà un impact sur leur allégeance à un produit voire toute une marque. »