Suite à un engagement auprès de 25 entreprises agroalimentaires et de grande distribution, une coalition d’investisseurs avec plus de 13 trillions de dollars d’actifs sous gestion, révèle que les géants de l’agroalimentaire renforcent leur position sur le marché des protéines alternatives
L’engagement collaboratif du réseau d’investisseurs FAIRR auprès de 25 géants de l’industrie agroalimentaire et de la distribution initié il y a 4 ans, révèle les résultats de l’étude ‘Appetite for Disruption : A Second Serving’. Cette étude dévoile que deux sociétés de l’industrie agroalimentaire sur cinq — totalisant $459 milliards de chiffre d’affaires — ont désormais des équipes dédiées au développement et à la mise en marché de protéines végétales comme alternative aux produits laitiers et à la viande. Tesco et Unilever tiennent le haut du pavé et se positionnent favorablement au sein du marché croissant des protéines alternatives. Costco et Kraft Heinz ont pris du retard alors qu’Amazon, dont la présence dans le marché de l’agrolimentaire ne cesse de grandir, reste silencieux quant à sa stratégie de transition vers les protéines éco-responsables.
Le marché des protéines alternatives devrait atteindre 17.9 milliards de dollars d’ici à 2025. La grande distribution ainsi que les fabricants font face à une augmentation de la demande pour les produits d’origine végétale, notamment en raison des craintes du public par rapport aux liens entre la production de viande et la Covid-19 ainsi que d’autres maladies comme la fièvre porcine africaine.
Accélérée par cette crise, la transition vers les protéines alternatives se généralise tant chez les consommateurs que chez les joueurs du secteur. Nestlé s’apprête à construire un centre dédié aux protéines végétales de 100 millions de dollars en Chine. Unilever a construit, pour sa part, un centre d’innovation de 94 millions de dollars aux Pays-Bas. Prévoyant intégrer 500 employés, ce centre mise sur l’innovation végétale pour des marques comme Knorr et Hellmann’s.
En Chine, on entrevoit une réduction de 35% de la consommation de porc cette année. La marque de porc végétal OmniFoods a d’ailleurs profité d’une croissance record dans ce pays mais aussi dans d’autres marché de l’Asie. Des marques telles qu’Impossible Foods et Oatly ont des projets de développement dans la région.
Les investissements en capital dans les protéines végétales ont déjà atteint 1.1 milliard de dollars en juin 2020, soit presque le double du total des investissements en 2019 (532 milliards de dollars). La crise de la Covid-19 fait de 2020 une année charnière pour les capitalisations boursières des sociétés productrices de protéines végétales.
Les investisseurs ont également accueilli favorablement l’augmentation entre 2019 et 2020 de 57% des entreprises ayant des objectifs d’émissions de gaz à effet de serre de type 3 (Scope 3), incluant les émissions provenant des produits d’origine animale. Bien que l’agriculture, incluant la sylviculture, compte pour près de 30% du total des émissions de gaz à effet de serre, les objectifs des sociétés ont historiquement failli à considérer l’empreinte de carbone de l’élevage et de ses chaînes d’approvisionnement.
On note que les grandes entreprises alimentaires élargissent leurs équipes de spécialistes pour accélérer le développement des technologies et des produits à base de plantes.
- 10% de tous les employés R&D de Nestlé se consacrent désormais uniquement au développement de produits à base de plantes.
- Kroger, Coles, Marks & Spencer, Sainsbury’s et Tesco ont des ressources humaines dédiées au développement de produits à base de plantes. C’est le cas de la moitié des fabricants engagés qui déclarent avoir aussi des ressources dédiées. Parmi ceux-ci, mentionnons Conagra Brands, Kerry Group, Nestlé, Saputo, Unilever.
Tesco et Unilever ont été acclamés par les investisseurs pour la diversification de leurs portefeuilles de produits alimentaires vers des sources de protéines durables. Une diversification favorable au climat appuyée par leur conseil d’administration. Tesco et Unilever ont également réalisé des analyses de scénarios reliés au climat pour leurs chaînes d’approvisionnements de matières premières. Au total, sept des quinze sociétés de distribution vendent, ou prévoient vendre des protéines alternatives dans leurs rayons de boucherie.
Ces données sont extraites de la plateforme en ligne pour investisseurs »Sustainable Proteins Hub » ainsi que du nouveau rapport ‘Appetite for Disruption : A Second Serving’ publié aujourd’hui par le réseau d’investisseurs FAIRR. Crée en 2016, l’engagement collaboratif sur les protéines durables du réseau FAIRR comptait 40 investisseurs institutionnels gérant 1.25 trillions de dollars. Cet engagement est aujourd’hui dix fois plus important. Il représente 88 investisseurs qui détiennent plus de 13 trillions de dollars d’actifs sous gestion. Cette coalition — qui compte parmi ses participants Amundi, Northern Trust et BMO General Asset Management — a pour but d’encourager 15 réseaux de distribution et 10 groupes agroalimentaires dont Nestlé, M&S, Sainsburry’s, Carrefour, Costco, Amazon et Walmart à diversifier leurs sources de protéines afin de soutenir leur croissance et réduire leurs risques dans un environnement post-COVID caractérisé par des ressources limitées.
L’industrie de l’agriculture animale traditionnelle est en train de perdre ses plumes. Goldman Sachs indique que la production agricole animale, aux côtés du secteur pétrolier, est considérée comme étant l’un des 2 secteurs les plus précaires dans lequel investir l’an prochain. Les titres du secteur agroalimentaire ont d’ailleurs plongé de 25% en mai dernier, comparé à 9% pour le marché en général. Et, des pertes de 13 milliards de dollars sont prévu pour l’industrie du bétail aux États-Unis en 2020. Fait intéressant : Les nombreuses fermetures d’usine de transformation aux États-Unis ont poussé le géant américain Tyson Food à faire une publicité dans le Washington Post : « The Food Chain in Breaking ».
Jeremy Coller, Fondateur de FAIRR et chef des investissements de Coller Capital mentionne :
« L’environnement post-COVID a fait de 2020 une année charnière pour le marché des protéines durables. En six mois seulement, le secteur a attiré le double d’investissements de l’année dernière. Il s’opère présentement un important changement de la part des consommateurs dans la façon dont ils font leurs courses et s’alimentent. L’engagement collaboratif de FAIRR a permis d’identifier les entreprises agroalimentaires qui mettent en place l’infrastructure et l’innovation nécessaires pour tirer profit de ce changement et celles qui seront perdantes. Les investisseurs surveillent la transformation du marché et les joueurs de très près ».
Caroline le Meaux, responsable de la recherche ESG, de l’engagement actionnarial et de la politique de vote chez Amundi :
« La transition vers une alimentation plus durable est devenue un outil puissant pour réduire les émissions de GES et améliorer la santé publique mondialement, comme l’a confirmé le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). La chaîne d’approvisionnement en protéines animales est très vulnérable face aux impacts matériels du réchauffement planétaire. Les investisseurs voient de plus en plus la diversification vers des protéines alternatives comme une occasion d’atténuer les risques climatiques potentiellement désastreux, et une façon de bâtir leur résilience face à la perturbation généralisée du marché à venir. Amundi a influencé les principaux distributeurs européens sur la façon dont ils s’y prendront pour réduire leur dépendance aux sources de protéines animales de plus en plus volatiles et saisir les opportunités offertes par des protéines plus durables à long terme ».