Innover en saine alimentation, les start-up relèvent le défi !

Embellir et changer le monde en transformant les légumes laids. C’est la mission que se sont donnés Alexane Thiffeault des Snorôs et Sébastien Tétreault de Wisely Foods. Avec leurs start-ups dans le monde alimentaire, les deux jeunes entrepreneurs comptent non seulement améliorer la santé de leurs clients, mais aussi de la planète. Par Pascale Lévesque 

Le bâton de pèlerin de la saine alimentation ne pourrait pas être en meilleures mains que celles de ces deux amoureux des légumes qui ont eu le génie, chacun de leur côté, de les incorporer dans des plats dit réconfortants.  L’entreprise de Sébastien propose des pizzas à la croûte faite de patates douces. Celle d’Alexane a créé une gaufre constituée à 50% de légumes, riches en fibres et en protéines, sans sucre ajouté. “ Une alternative santé et rapide ”, précise l’entrepreneure, à l’occasion du webinaire Innover en saine alimentation, les start-ups relèvent le défi ! auquel était aussi invité M. Tétrault. Soulignons que ce dernier était l’un des cinq gagnants de la première édition de l’événement Le MATCH DUX l’an dernier.  

Innover par le goût et le sens des valeurs 

Au-delà d’innover, les deux entrepreneurs font d’une pierre deux coups en utilisant, chacun de leur côté, des légumes dits moches dont le destin les condamnait au bac à compost. Ou pire, au site d’enfouissement. 

Comment en sont-ils arrivés en moins de deux ans à concocter des produits aussi novateurs tout en montant leur première entreprise? C’est en puisant d’abord et avant tout leur inspiration dans leurs valeurs, leurs passions et leurs habitudes alimentaires personnelles. Tout en ajoutant une touche de bonne fortune. Par exemple, Snorôs est né d’un projet soumis au concours de l’ICSTA (Institut canadien de sciences et technologie alimentaire) il y a deux ans. 

“ On était à l’université et pour ce concours, on devait trouver un produit innovant, clean label et local, raconte Alexane, jeune diplômée en Sciences et technologie alimentaires, à l’Université Laval.. En parlant entre co-équipiers, on a réalisé à quel point le déjeuner était un repas crucial. ”  

Le soin qu’Alexane prenait à élaborer ses repas et sa boîte à lunch a déclenché tout un processus de recherche. “ On a remarqué qu’au Canada, la répartition protéique dans la journée était inadéquate, poursuit-elle. Particulièrement au déjeuner. Aussi, les légumes sont souvent absents à cette étape, malgré leur importance dans notre diète. ”   

En effet, qui a le temps et l’envie de préparer et manger des légumes au déjeuner? C’est donc sans surprise que les gaufres imaginées par l’équipe d’Alexane ont remporté le concours. Sans compter qu’elle a pu trouver des partenaires motivés et opportuns pour faire le grand saut en affaires en Arnaud Marchand et Pierre Gagnon, respectivement chef et cuisinier Chez Boulay et chez Les Botanistes “ La saine alimentation m’a toujours passionnée et je veux partager ça, insiste-t-elle. C’était ma chance de redonner aux Québécois ce que j’ai appris grâce à l’éducation qu’ils m’ont permis d’acquérir. ”  

Un passion devenue mission 

La démarche de Sébastien Tétreault ressemble à celle de sa consœur. Il a su très tôt qu’il voulait devenir entrepreneur. “ Mes parents étaient agriculteurs, dans la grande culture, note-il. Je savais que je voulais me lancer en affaires mais pas en quoi. J’ai donc étudié en marketing. ” 

Les choix de vie de Sébastien – comme son végétalisme – se sont vite transformés en passions, puis en vocations. Son destin d’entrepreneur était tracé. “ Devant la pulpe résultant de mes jus pressés du matin, je me suis senti inspiré, lance-t-il!  Ma mission de vie, c’est de faire manger des légumes aux gens. ”  

Reste qu’il ne suffit pas de vouloir faire le bien pour qu’une idée aussi géniale et pragmatique soit elle, soit couronnée de succès. Ce doit être bon, attirant : un défi familier mais parfois compliqué à relever quand on parle de saine alimentation et de produits écologiques.  

 “ Nos premières concoctions de pâtes à pizza étaient sans sucre, sans sel, sans gras, sans additifs… je vais être franc, c’était pas mangeable !, lance franchement Sébastien. Si je veux contrer le gaspillage alimentaire avec mes produits, il faut que ça se mange. ” 

Si les produits résultant de sa recherche et développement lui plaisaient beaucoup, le président de Wisely Foods a vite réalisé que ses goûts personnels s’éloignaient parfois des véritables besoins et préférences de ses clients.   

“ Les gens veulent manger santé, reconnaît-il, mais ils veulent que ce soit bon quand même. On doit faire des compromis « , explique celui qui deviendra d’ailleurs l’un des cinq gagnants de la première édition du MATCH DUX, tenue en 2019. 

De là le choix d’utiliser la patate douce dans ses croûtes à pizza. “ Là, notre mission est accomplie à tous les niveaux, insiste-t-il. On incorpore des fibres dans l’alimentation des gens, on récupère des légumes condamnés, et en plus c’est bon ! ”  

Même écho du côté de Snorôs. “ Quand nous avons fait goûter nos gaufres dans les épiceries zéro déchet à Québec, on a su que ça plaisait, dit Alexane. On a pu investir de manière confiante dans le branding, même plus plus qu’on pensait. ”  

Quand la COVID-19 s’en mêle 

Mais branding et goût sont intrinsèquement liés. Car si un emballage très attirant et sa promesse santé priment quand on veut provoquer un achat, il faut que le produit soit à la hauteur. Comme le disent les utilisateurs d’applications de rencontres, assez beau pour un coup de foudre, assez bon pour bâtir une relation.  

Malheureusement, les mesures socio-sanitaires liées à la pandémie de COVID-19 ont compliqué les occasions de rencontre entre les produits et leurs futurs adeptes. Le speed dating des dégustations en épicerie – d’ordinaire si efficace! – est devenu impossible. “On en ressort plus fort !”, crient Alexane et Sébastien à l’unisson, tous les deux se disant plus préparés désormais à faire face aux épreuves de la vie d’entrepreneur.  

Car la crise sanitaire a quand même offert certains avantages à nos deux entrepreneurs. L’engouement pour l’achat local et la proximité, stimulés par le confinement et les autres mesures gouvernementales, ont contribué au succès des deux produits. C’est un fait indéniable: les gens veulent de plus en plus savoir d’où proviennent leurs aliments. Les visages, les valeurs et les démarches de l’entreprise derrière une gaufre ou une pizza santé sont aussi importants que les ingrédients qui composent le produit.  

Si le but ultime est de vendre, l’équation reste simple: plus les entreprises en agroalimentaire qui récupèrent des légumes moches comme Wisely Foods et Snorôs ont un produit populaire, plus elles feront une différence à long terme sur l’environnement en réduisant les pertes et le gaspillage alimentaire. Plus elles vendent, plus on en mange, plus petite est l’empreinte écologique.  

L’agilité des start-ups 

La volonté de provoquer le changement est souvent une qualité propre aux start-ups. Elles ont cette agilité conférée par leur taille qui leur permet de pivoter facilement.  

“Nous avons une flexibilité et une possibilité de jouer avec les paramètres plus rapidement, dit Alexane. Une capacité de changer vite la vision de départ si on se rend compte que ça ne plait pas au consommateur.” Un constat que partage Sébastien. “Dans une grande entreprise, il y a beaucoup de cases à cocher concernant la mise en marché du produit avant même de commencer son développement”, avance-t-il.  

Toutes les entreprises, peu importe leur taille, n’ont pas les mêmes moyens pour se déployer. Mais chose certaine, Wisely Foods et Snorôs, démontrent c’est que le rêve de faire simultanément une différence sur la santé des gens et de la planète est à la portée de tous.   

*Alexane Thiffeault des Snorôs et Sébastien Tétreault de Wisely Foods étaient les invités du webinaire “Innover en saine alimentation, les start-ups relèvent le défi” lors de l’édition 2021 des Journées DUX.