Le kombucha et ses limites

Le kombucha, vous connaissez ? Il s’agit d’une boisson sucrée fermentée et légèrement effervescente au goût acidulé qui semble prendre d’assaut les restaurants et boutiques alimentaires. Même si certains produits font partie de notre quotidien depuis des années, d’autres comme le kombucha deviennent à la mode. Plus que jamais, la fermentation vole la vedette, et cela ne relève pas du hasard.

En alimentation, la fermentation constitue un phénomène tout à fait naturel qui se produit lors de la décomposition de matières organiques. Ce principe de préservation alimentaire existe depuis plus d’un millénaire. En effet, selon les archives, l’humain utilise le procédé de la fermentation depuis près de 3,3 millions d’années, puisant ainsi ses origines en Afrique. La fermentation est l’une des méthodes de préservation alimentaire les plus anciennes qu’il soit, elle ne date donc pas d’hier.

Avec le temps, certaines cultures culinaires nord-américaines ont relégué la fermentation aux oubliettes. Mais certains rapports scientifiques publiés ces dernières années vantent les vertus de la fermentation pour notre santé et nous rappellent à quel point ce procédé permet à nos aliments de devenir plus digestes et meilleurs pour notre système immunitaire.

Il existe déjà plusieurs produits fermentés que l’on consomme depuis fort longtemps. D’ailleurs, un Canadien mangera en moyenne entre 50 et 300 grammes de produits fermentés chaque jour sans s’en rendre compte, notamment la soupe miso, la choucroute, le pain au levain, le yogourt, la bière, le kéfir (un produit à mi-chemin entre le yogourt à boire et le yogourt ordinaire), la sauce tamari et soya, et bien sûr, le fameux kombucha.

Le kombucha qui nous arrive de la Chine et de la Russie est un thé sucré fermenté consommé depuis très longtemps. Il s’avoisine à une boisson gazeuse santé. Peu de personnes avaient entendu parler de kombucha il y a de cela 10 ans. En 2008, les ventes de kombucha au Canada totalisaient environ 80 millions de dollars. Cette boisson a littéralement connu une vague de popularité ici depuis l’arrivée de Kombucha Rise que l’on trouve maintenant un peu partout sur les tablettes de marchands spécialisés, dans les stations de villégiature et spas et même dans les supermarchés à grande surface. Aujourd’hui, les ventes de kombucha se situent autour de 1,2 milliard de dollars et pourraient atteindre les 2 milliards d’ici l’an prochain.

Selon un rapport de la firme Mintel, 23 % des consommateurs boivent du kombucha à différentes fréquences. Au-delà de 5 % des consommateurs ayant 34 ans ou moins en boivent tous les jours. Donc cette boisson intéresse surtout les jeunes, pour l’instant. Environ 92 % des consommateurs âgés de 45 ans et plus n’ont jamais ingurgité de kombucha. Fait intéressant, toujours selon le sondage de Mintel, 28 % des hommes avouent avoir déjà bu du kombucha, contrairement à 18 % pour les femmes. Mais si le kombucha a l’ambition de devenir une boisson quotidienne pour la majorité d’entre nous, le produit n’atteint pas du tout la popularité du thé ou du café, ou d’autres boissons favorites. Le Canadien moyen boit 2,8 tasses de café par jour et dépense environ 1 000 $ par année.

Le Kombucha devient certes très tendance, mais les ventes en Amérique du Nord nous démontrent que la demande pour ce genre de produit demeure marginale. Depuis deux ans, les ventes au détail explosent, mais l’augmentation marginale des ventes commence déjà à s’essouffler au Canada. Les ventes de cette boisson en Amérique du Nord avaient augmenté de 240 % de 2013 à 2018, mais depuis 12 mois, au Canada, la hausse ne dépasse pas 10 %. Ce pourcentage demeure tout de même respectable en alimentation, mais il est loin des 240 % des années passées. En 2016, Google affirmait que le kombucha était le mot le plus recherché en matière de tendance alimentaire, mais l’an dernier, le kombucha ne se retrouvait même plus dans le top 20. Quelques usines au Québec et ailleurs ont annoncé des projets d’expansion, mais principalement dans le but de soutenir une demande internationalisée.

Quoique populaire, le kombucha comporte aussi quelques contraintes qui empêcheront ce produit d’en devenir un de consommation de masse. D’abord, son prix, puisqu’une bouteille de 414 ml se détaille autour de 4 $ l’unité. Le litre peut coûter au-delà de 8 $ en magasin. Comparativement au café, au thé ou même aux jus, il reste dispendieux. Il devient donc très tentant d’en fabriquer soi-même à la maison. Toutefois, la fabrication de kombucha de manière artisanale, plus laborieuse et rigoureuse qu’on pourrait le croire, doit assurer la salubrité du produit, prévenir l’apparition de mouches à fruit et contrôler la température de fermentation, bref un réel défi pour le novice. Il faut posséder le bon équipement et bien maîtriser le processus pour fabriquer du kombucha de façon sécuritaire.

L’autre obstacle de taille pour ce produit découle du volume de consommation recommandé. La plupart des médecins et spécialistes en santé conseillent de consommer environ 354 ml de kombucha par jour, tout au plus. Alors, malgré une curiosité grandissante, nul n’encourage une consommation exagérée.

Tout comme le charbon ou l’eau à l’hydrogène, le kombucha demeura une mode qui atteindra ses limites en très peu de temps. Malgré cela, la santé intestinale demeure une priorité pour un nombre grandissant d’entre nous. De surcroît, le kombucha demeura un excellent choix parmi tant d’autres.

Dr. Sylvain Charlebois/Professor/Professeur Titulaire
Professeur en distribution et politiques agroalimentaires