L’emballage pourrait-il être la solution pour réduire le gaspillage alimentaire ? 

D’entre toutes les sources de pollution qui touchent le monde de l’alimentation, peut-être avons-nous tendance à sous-estimer l’impact du gaspillage et des pertes alimentaires. Pourtant, en faisant pousser des carottes, du blé ou en élevant des bovins, en les transformant et en les transportant, nous produisons aussi des gaz à effet de serre. Alors comment est-il possible d’agir à toutes les étapes de la chaîne alimentaire pour en réduire drastiquement les conséquences? Par Pascale Lévesque 

“Le gaspillage alimentaire, simplifie Maxine Dallaire de RECYC-QUEBEC, c’est toute la nourriture produite pour les humains, mais qui ne finit pas dans un estomac humain”.   

Le tiers de la nourriture produite dans le monde est perdue ou jetée selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.  

“Quand on gaspille un aliment, on gaspille tout ce qui a été investi dans cet aliment. Plus on avance dans la chaîne, plus l’impact du gaspillage au chapitre des émissions de GES est grand, explique Éric Ménard, leader en lutte au gaspillage alimentaire qui s’est exprimé sur le sujet en compagnie de madame Dallaire, dans le cadre des Journées Dux en janvier dernier 

Les Canadiens, pires au monde 

Ils sont sans équivoque: l’empreinte écologique du gaspillage est tellement grande que, s’il était un pays, le gaspillage serait le troisième plus grand émetteur mondial de GES après la Chine et les États-Unis. M. Ménard rappelle que la réduction du gaspillage alimentaire serait une des trois solutions les plus efficaces pour lutter contre les changements climatiques.  

Pires gaspilleurs per capita parmi les citoyens de 54 pays évalués récemment par l’ONU,les Canadiens doivent améliorer nos pratiques en la matière.  

Heureusement, les solutions pragmatiques sont nombreuses. À commencer par un emballage adéquat, comme l’expose une autre étude canadienne, Moins de pertes et de gaspillage alimentaire, moins de déchets d’emballage, qui aborde le lien entre les pertes et le gaspillage alimentaire et les déchets d’emballages.   

“On peut favoriser la vente en vrac pour les aliments qui sont résistants, secs et qui ont une longue durée de vie, indique madame Dallaire. Mais un emballage reste essentiel pour d’autres aliments. Ça protège, ça facilite la manutention et ça informe sur son contenu. Et encore plus, ça allonge sa durée de vie.”  

Impact limité de l’emballage sur les émissions de GES 

RECYC-QUÉBEC et Éco-entreprises Québec, ont participé à cette étude commandée par le Conseil national Zéro Déchet et réalisée par Value Chain Management International. “Dans l’étude, on a pris 12 catégories d’aliments dans leurs emballages les plus communs. Verre, plastique, carton, etc, explique Mme Dallaire. En considérant qu’on jetait tout, aliment et emballage, on a réalisé que l’impact environnemental du gaspillage était plus important pour l’aliment que son emballage.”   

L’étude conclut que l’emballage représente 5 % de l’impact environnemental total d’un produit emballé. “Pour la plupart des autres aliments étudiés, la réduction des émissions de GES obtenues par l’élimination de l’emballage n’est pas suffisante pour compenser ne serait-ce qu’une légère augmentation des pertes et gaspillage alimentaire”, poursuit Maxine Dallaire.   

Le suivi et la protection de l’aliment jusqu’au consommateur sont primordiaux.   

“L’emballage peut être une solution, mais ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas aussi s’attarder à ce qu’il soit plus écologique et plus efficace, poursuit-elle. S’il est en papier-carton, on s’assure qu’il soit recyclé ou composté. S’il est en plastique, on privilégie un allégement des matériaux et que ces derniers soient recyclables. Dans le cas du verre, on favorise la réutilisation et enfin du métal, sa recyclabilité. »    

Haro sur les fausses bonnes idées! 

Éric Ménard met en garde contre certaines fausses bonnes idées d’emballage qui ont un attrait marketing certain quant au bien-être de la planète mais qui sont ultimement des coups d’épée dans l’eau.  

“Par exemple, les emballages plastiques qui s’affichent compostables ou biodégradables, dit-il. Pour que ce soit un réel avantage, il faut généralement avoir accès à du compostage municipal car une technologie industrielle est nécessaire pour composter la plupart de ces emballages. Sans accès à ce service, on ne peut pas non plus les envoyer au recyclage ! Idem pour les plastiques (oxo)biodégradables auxquels on ajoute un additif qui les fait se dégrader en microparticules, car ça contamine les plastiques conventionnels.” 

Or, la moitié du gaspillage alimentaire se produit avant même que les aliments soient emballés. C’est ainsi que 20 % de ce qui est produit dans les champs ne répond pas aux critères des distributeurs. M. Ménard cite l’exemple des céleris, qui sont élagués parce que le consommateur préfère des branches droites. C’est donc près du tiers de la production de céleris qui est éliminée dès la première étape de sa production à cause d’un critère esthétique.   

À la surproduction, défauts esthétiques et rejets issus de la transformation s’ajoutent les défauts d’emballage. “Une des solutions, à cette étape, ce sont les dons, indique M. Bédard. Les erreurs d’emballages sont récupérées par Moisson Montréal.”   

La réévaluation des fameuses dates Meilleur Avant pour certains produits serait aussi une solution potentielle. “L’organisme WRAP a évalué qu’un changement de date d’une seule journée réduirait de 5 % le gaspillage alimentaire total de la Grande-Bretagne,” relate Maxine Dallaire.    

L’économie circulaire devient un des éléments clé de cette démarche à actions multiples.   

“Il faut revaloriser, commercialiser voire donner les produits imparfaits ou victimes d’erreurs d’étiquetage. Il faut aussi accepter et s’adapter aux ruptures de stock, que tout ne soit pas disponible tout le temps à toute heure en magasin. Les circuits courts doivent être favorisés tout en réduisant les intermédiaires. Enfin, savoir cuisiner les restes car le manque de créativité et de connaissances culinaires a aussi ses conséquences,” conclut Eric Demers.  

Source : L’actualité ALIMENTAIRE