L’épicerie de demain (1ère partie)

Les nouveaux besoins du consommateur et les diktats de l’expérience client forcent non seulement les géants de l’alimentation à s’adapter rapidement, ils bouleversent aussi les façons de faire de l’ensemble de la chaîne alimentaire, et ce, du producteur jusqu’au petit détaillant. Dans ce contexte de transformation profonde du commerce de détail, comment humaniser le producteur jusqu’à l’épicerie? Arrimer technologies et consommateur ? Quelle est l’importance de l’éducation alimentaire ? La place de la biodiversité ? Gros plan sur le futur de l’offre aux consommateurs avec trois producteurs de chez nous qui font partie du réseau de La Coop fédérée. | Par Thérèse Garceau

Inspirants représentants de la relève agricole d’ici, Émilie Berthold et son conjoint exploitent la Ferme Côté Desmeules. Il s’agit d’une entreprise familiale de trois générations, dont la production de lait est certifiée biologique depuis 2008.

La protection de la nature au premier plan

Consciente de l’importance de la mise en valeur de la biodiversité, Émilie Berthold estime qu’au quotidien le travail à ce chapitre se fait sur deux fronts. « Il y a des actions posées par l’ensemble des producteurs, on se tient là-dessus. Sur la ferme, comme nous sommes certifiés Écocert, on applique des normes strictes de la production biologique comme la limitation de la consommation d’antibiotiques et d’autres mesures. Nous utilisons nos fourrages et complétons avec d’autres intrants biologiques. C’est un effort individuel et collectif pour protéger la nature. C’est aussi important pour le consommateur. »

Le lait toujours aussi populaire

En ce qui a trait au nouveau Guide alimentaire, Émilie Berthold ne se dit pas inquiète pour l’avenir du lait. « Le Guide alimentaire ne dit pas que le lait n’est plus bon, ils l’ont juste changé de catégorie. Il faut prendre ça avec un grain de sel, le consommateur n’arrêtera pas d’acheter des produits laitiers demain. » Même si elle constate la montée de la popularité du lait biologique au Québec, elle croit que le lait traditionnel aura toujours une plus grande part du marché.

L’importance de la biodiversité

De son côté, Louis-Marie Jutras, qui exploite Les Cultures de chez nous, une ferme familiale de 400 hectares qu’il a fondée en 1981 avec sa conjointe, Michelle Rajotte, et qui emploie 65 personnes, met en lumière les profonds changements qu’il a connus dans ses façons de faire. « Nos pratiques ont tellement changé. On favorise beaucoup plus la biodiversité. On ne laboure plus systématiquement, on a beaucoup moins de compaction, d’érosion. On utilise des engrais verts entre les rangs de légumes, ce qui rend le sol beaucoup plus structurant. Le sol est meilleur et la qualité des récoltes aussi. Même si nous sommes en culture traditionnelles, nos pratiques ont évolué en partie grâce à l’agriculture bio qui nous a ouvert les yeux. Il y a deux ans, on a acheté un piro-désherbeur qui détruit les mauvaises herbes à chaud, sans herbicide. C’est de l’innovation. »

Il existe aussi, selon Louis-Marie Jutras, une plus grande prise de conscience antigaspillage, une meilleure notion du marché de proximité.

 « Il faut savoir semer et récolter les bonnes quantités, aussi. »

Les agriculteurs s’adaptent aux besoins des consommateurs

Selon l’agriculteur, c’est tout le marché qui s’est transformé avec la globalisation qui rend disponibles à l’année des produits saisonniers. Il souligne que le consommateur est maintenant plus sensible aux produits d’ici, à l’achat local. Il l’est aussi à la façon dont les produits sont cultivés.

S’il rappelle que les campagnes d’Aliments du Québec ont réveillé les acheteurs des grandes chaînes en ce qui concerne les besoins du consommateur qui souhaitait être guidé dans ses choix d’aliments locaux, le producteur déplore du même souffle une certaine confusion sur l’affichage des tablettes dans les épiceries. « Ce n’est pas rare qu’on va faire l’épicerie et que le marchand met une affiche qui dit “asperges du Québec” alors que ce sont des produits du Chili, même chose pour les poireaux du Québec ou de la Belgique. Heureusement qu’il y a les étiquettes pour indiquer la provenance.

Une offre évolutive

Pour le propriétaire de Cultures de chez nous, qui cultive le maïs, le soya, les poireaux et les asperges ainsi que toute la gamme des petits fruits, l’autocueillette de ses fruits est prisée des consommateurs qui recherchent une expérience. « J’ai toujours valorisé l’autocueillette. J’ai essayé moi même d’acheter des petits fruits en grande surface et ce n’est pas une belle expérience. Ce sont des fruits tellement fragiles. Avec la libre cueillette, les gens sont dans un environnement agréable, dans un contexte familial. Le consommateur aime venir à la ferme, les jeunes sont aussi au rendez-vous. »

À l’instar de Louis-Marie Jutras, Rébéca Rouleau, propriétaire des Serres Dame Nature, du fleuriste Racine Karé et de la marque Herbes du Lac, constate aussi l’engouement des consommateurs pour les visites à la ferme. « Nous avons développé des aires de vente pour que les gens puissent venir chercher leurs produits à la porte. Avant, on avait notre parc de camions et on distribuait 70 % de notre production. Maintenant, on a renversé cela. On a amélioré notre profitabilité parce que les gens viennent directement chez nous. L’accueil à la ferme nous a rendus moins vulnérables. Sans elle, nous ne serions peut-être plus en affaires. Nous avons un programme d’ateliers, des conférenciers, des journées portes ouvertes, une mini ferme. C’est tellement apprécié des consommateurs qui veulent surtout vivre une expérience. Il faut mailler avec le milieu, les écoles, c’est ça l’avenir. »

Cette rubrique vous a été présenté par La Coop fédérée

En 2019, s’alimenter est devenu une activité citoyenne, responsable et durable. Les consommateurs autant que l’industrie bioalimentaire sont de plus en plus informés. Nos concitoyens s’intéressent non seulement à ce qui se retrouve dans leur assiette, mais également à la manière dont leur nourriture est produite, sans oublier l’impact de l’alimentation sur leur santé et l’environnement. En tant que plus importante entreprise agroalimentaire au Québec, La Coop fédérée occupe une place privilégiée pour suivre et interpréter l’évolution des tendances des consommateurs. Au-delà des modes, la recherche d’une alimentation équilibrée et diversifiée fait consensus. À l’écoute de ses membres et des consommateurs, et consciente des enjeux du monde actuel, La Coop fédérée saisit les occasions porteuses et mobilise ses ressources afin de contribuer à nourrir le monde, comme le veut sa mission.