Les emballages compostables et biodégradables méritent un meilleur encadrement 

Sans norme claire, sans reddition de compte et laissant planer une aura de fausses libertés, le déploiement des emballages identifiés comme compostables et biodégradables a des airs de far west. Selon un nouveau rapport dévoilé le 12 avril par Éco Entreprises Québec et Solinov, l’industrie a besoin d’un nouveau shérif pour faire respecter des règles limpides et efficaces grâce auxquelles ces emballages pourront vraiment remplir leurs promesses. 

« Puisque le consommateur est confus lorsqu’il est question d’emballages biodégradables et compostables, il importe de mieux encadrer les déclarations environnementales des fabricants, rappelle l’un des co-auteurs du rapport, Mario Patenaude d’Éco Entreprises Québec. Il faut du même coup assurer une concordance entre les conditions de certification en laboratoire et celles utiliséessur le terrain dans la filière industrielle du compostage et de la biométhanisation pour limiter l’utilisation d’autodéclaration en décalage avec la réalité. » 

Or, en ce moment, si les acteurs de l’industrie agroalimentaire sont confus – croyant que les mentions « compostable” et « biodégradable » suffisent pour se soustraire au régime de compensation de la collecte sélective –, imaginez le désarroi des consommateurs. 

D’où ce besoin imminent de faire pression pour avoir un meilleur encadrement de ces appellations et de hiérarchiser le recyclage, le compostage, la biométhanisation et les autres façons de valoriser les matières résiduelles. 

En effet, le contexte d’autorégulation permet aux entreprises de qualifier leurs emballages de la mention « compostable » dès qu’ils se dégradent en moins de 180 jours sans égard aux conditions nécessaires (durée, température, humidité, etc.) qui sont souvent absentes des filières actuelles de compostage. Quant à la mention « biodégradable », elle ne stipule même pas de temps limite. En théorie, dans l’absolu, tout est biodégradable. 

Des plastiques difficiles à traiter 

Les mentions « compostable » ou « biodégradable » attirent l’oeil et la sympathie du consommateur. Mais si elles sont une façon rapide de réconcilier le consommateur avec ses idéaux environnementaux, une rigueur renouvelée doit être instaurée pour offrir des résultats tangibles. 

Par exemple, les emballages de plastique compostables, très difficiles à différencier d’autres emballages de plastique, sont la plupart du temps retirés parmi les autres matières indésirables et acheminés à l’élimination. 

« Les emballages biodégradables ou compostables se retrouvent très majoritairement à l’enfouissement, puisque les installations actuelles de la filière du compostage et de la biométhanisation sont conçues pour traiter de la matière organique et non des emballages, réitère Mario Patenaude. Pour encadrerl’innovation en emballage, l’écoconception est un levier qui permet d’atteindre cet objectif. » 

L’écoconception encore et toujours salvatrice 

Comme le rappelle Mario Patenaude, l’approche intégrée de l’écoconception impose qu’on tienne compte de ses quatre piliers. 

D’abord, il faut se rappeler que l’emballage existe avant tout pour protéger et préserver le produit afin d’éviter les pertes et le gaspillage alimentaire. 

Ensuite, dès sa conception, il faut prévoir la fin de vie de l’emballage, qu’il soit durable, à usage unique ou de courte durée de vie. 

Cela passe par une compréhension fine des systèmes et des filières en place où celui-ci est susceptible de se retrouver en fin de vie, qu’il s’agisse des filières du recyclage, du compostage et de la biométhanisation ou de l’enfouissement. 

La réduction des répercussions et l’utilisation optimisée des matières premières de l’emballage sont également cruciales. À la source, bien sûr, mais également en maintenant les ressources en circulation grâce au réemploi, au recyclage, à l’économie circulaire. 

Ensuite, il faut assurer la transparence et la traçabilité dès l’approvisionnement. Les impératifs de communication doivent suivre. 

Le choix des matériaux et des fournisseurs doit se faire en tenant compte des méthodes d’extraction des ressources, des conditions des travailleurs, de la provenance des matières premières ou recyclées, des types de transports utilisés, etc. 

Un meilleur encadrement 

Si l’écoconception est un outil de choix pour les transformateurs, la réglementation est aussi cruciale. Il faut s’assurer que tous jouent sur un terrain équitable et que le consommateur peut faire un choix éclairé qui aura des retombées durables, en ligne droite avec ses principes environnementaux. Bien sûr, ce consommateur peut s’éduquer, mais c’est la responsabilité de l’industrie agroalimentaire d’être claire et sans équivoque envers lui. 

« [Comme] les emballages compostables sont difficiles à différencier d’autres emballages, les décisions d’achats et le geste de tri du consommateur sont complexifiés. Ainsi, il faut voir à un meilleur encadrement des déclarations environnementales, et assurer une concordance entre les conditions de certification en laboratoire et celles utilisées sur le terrain dans la filière industrielle du compostage et de la biométhanisation pour limiter l’utilisation d’autodéclaration en décalage avec la réalité », recommande le rapport. 

Même si la certification assure qu’un emballage est compostable, bien souvent, cette compostabilité a été vérifiée en laboratoire dans des conditions spécifiques et contrôlées, différentes des conditions du monde réel. 

« Malgré les exigences en matière d’autodéclaration environnementale (entre autres applicables à l’utilisation d’un terme comme ”compostable”), il reste que, face à une quasiabsence de suivi, de vérification et de contrôle, on peut raisonnablement douter de la compostabilité d’un emballage identifié comme tel par son fabricant », ajoute Mario Patenaude. 

L’infrastructure en développement 

Les débouchés pour les résidus compostables demeurent extrêmement limités. Certains matériaux d’emballage portant les mentions « compostable » et « biodégradable » ne peuvent être valorisés efficacement sans des installations industrielles bien précises et, surtout, ils apportent peu ou aucune valeur ajoutée au compost. Autrement dit, tout ce potentiel d’économie circulaire se retrouve à la poubelle. 

Sans compter que, avant d’être retournés aux sols, les composts et digestats doivent être de haute qualité et inoffensifs pour les milieux naturels où ils seront enfouis. Par exemple, l’exemption obligatoire de particules de plastique de plus de 2 mm force un tri des matières récupérées tellement serré, qu’avec un grand apport en emballages dits compostables, une importante proportion de matières récupérées est détournée vers le site d’enfouissement plutôt que compostée. 

Consultez le rapport complet sur les emballages compostables : https ://ecoconception. eeq.ca/fr-ca/rapportemballages