Les plus précieuses RESSOURCES, les ressources HUMAINES

Partie 4 : Entretien avec Sophie Perreault – AQDFL

Chaque jour depuis que la crise de la COVID-19 a été décrétée nous tendons l’oreille pour écouter nos chefs d’État, nos directions de santé publique, nos ministres, ils nous informent de la situation, ils communiquent, mais surtout ils nous rassurent. Ils sont là, ils sont présents pour nous les Québécois, les Canadiens. Sachez que les dirigeants des associations spécialisées de la filière agroalimentaire sont également là pour vous. | Par Lise Gallant

INDUSTRIE

La très forte majorité du secteur fonctionne à plein régime voire beaucoup plus, notre secteur est fortement sollicité. Les distributeurs de fruits et légumes spécialisés pour les HRI sont bien entendu les plus affectés présentement. Pour certains d’eux, les HRI représentent jusqu’à 70 % de leur chiffre d’affaires, ils sont donc placés dans une position très précaire. La créativité et la débrouillardise connues de notre secteur donnent lieu à des alternatives et de belles initiatives naissent comme, l’un d’eux qui décide d’aller livrer l’épicerie aux travailleurs étrangers. Le Conseil canadien du commerce du détail s’assure que plusieurs des produits fins et préparés qui étaient destinés aux HRI soient maintenant et pour l’instant redirigés vers le commerce de détail. Les gens doivent se nourrir, ils ne fréquentent pas les restaurants, l’industrie du tourisme est arrêtée, les écoles sont fermées alors on mange à la maison. L’apport des fruits et légumes dans un régime d’alimentation santé est énorme et notre Guide alimentaire canadien en fait bien état. En temps de pandémie, les gens sont plus soucieux que jamais de manger santé. « C’est toutefois au niveau de l’agriculture que se joue le plus grand drame et que plane la plus grande incertitude, un véritable drame humain pour les travailleurs étrangers également. Les questions fusent, le questionnement est omniprésent chez les agriculteurs qui se demandent s’ils doivent planter, si oui alors quoi et quand. », nous dit Madame Perreault. Outre ces deux secteurs, celui de l’horticulture et de l’ornemental est également extrêmement affecté, plusieurs ont peur pour leur production et leur commerce.

APPROVISIONNEMENT ET DISTRIBUTION

Comme mentionné précédemment, les agriculteurs et les producteurs vivent une insécurité et un stress additionnel présentement. Les travailleurs étrangers composent une bonne part de la main-d’œuvre pour le travail aux champs, cela pose un sérieux problème présentement. L’AQDFL travaille de tout coeur avec ses membres, partenaires et le gouvernement pour rapidement trouver des solutions pour les producteurs. D’autres mesures devraient voir le jour pour accompagner ces derniers. Si l’on veut encourager les consommateurs à s’approvisionner localement il va falloir aider les producteurs à produire ici. Lorsqu’interrogée sur la récente annonce concernant la société Hydro-Québec et la production en serres, Madame Perreault avoue ne pas connaître le dossier en profondeur. Cependant c’est certain que ce soit une des clefs pour l’approvisionnement local, c’est un dossier qui préoccupe l’économie locale depuis une bonne dizaine d’années, tant mieux si on peut maintenant sérieusement y investir. Toutefois elle fait une petite mise en garde : « ça va prendre une bonne réflexion et une concertation avec le milieu afin d’y arriver. On ne s’improvise pas chef de production de serres, c’est extrêmement complexe. »
Au niveau de l’approvisionnement par transport au sol et de l’importation il n’y a pas de problèmes majeurs à signaler en ce moment, tout se passe bien aux frontières. La principale inquiétude réside au niveau de la santé de ces transporteurs, particulièrement pour la santé de leurs routiers qui prennent tout de même des risques en traversant des kilomètres de territoires au sud de nos frontières canadiennes. Cependant au niveau de l’arrivage par cargaisons maritimes ou aériennes, un ralentissement se fait sentir – c’est ce que rapportent certains grossistes. Les transporteurs veulent rentabiliser les transits pour maintenir un coût abordable. Finalement, au niveau de la distribution et du commerce de détail qui fonctionne à bloc, non seulement les regards sont tournés vers les détaillants mais tous les consommateurs aussi, la pression se fait sentir au niveau de l’approvisionnement, les détaillants ne souhaitent manquer de rien et maintenir le plus de variété possible.

MAIN-D’OEUVRE

Avec les problématiques reliées à l’embauche de travailleurs étrangers, une plus grande prise de conscience entourant cette main-d’œuvre est en train de s’opérer. On se rend compte par exemple que le degré de spécialisation requis en fonction de la production est souvent sous-estimé. Une formation de deux à trois semaines intensives doit être prévue pour chaque travailleur. Même s’il est pensable de voir s’opérer des mouvements latéraux de main-d’œuvre, cela entre les secteurs d’activité de la filière agroalimentaire, ce n’est pas simple, car travailler en établissement ou en milieu manufacturier ne se compare en rien au travail dans les champs. Plusieurs étudiants auraient offert leurs services, mais encore faut-il penser que la saison des récoltes ne se termine par à l’entrée des classes. Voilà, une parmi d’autres des embuches auxquelles se butent les producteurs et l’industrie locale. Au niveau des angoisses pour l’industrie, c’est certain que la pénurie de main-d’œuvre remporte la palme. Prenons également la situation de la crise aux États-Unis, notre principal partenaire import / export, que va-t-il se passer s’ils manquent de main-d’oeuvre – grosse réflexion.

Au niveau du respect des normes de salubrité, tout se passe bien, c’est au niveau des mesures de distanciation que les difficultés apparaissent, particulièrement dans le travail qui nécessite des opérations à la chaîne. Garder le 2 mètres de distance cause des ralentissements, pensons simplement au triage ou à l’emballage.

VALEURS ET VALORISATION

Jugé service et secteur essentiel, le monde agroalimentaire connaît une notoriété inégalée. Les consommateurs redécouvrent l’importance de l’alimentation, angoissent au niveau de l’approvisionnement, valorisent les travailleurs de la chaîne bioalimentaire et cela plus que jamais. L’alimentation est véritablement au cœur des préoccupations pour cette industrie qui a le cœur au ventre. Beaucoup de positif émergera de cette crise. Outre la reconnaissance pour l’industrie, de nouvelles opportunités naissent, de nouveaux créneaux prennent forme, l’empathie envers les travailleurs grandit, des liens se tissent et disons-le, la solidarité bioalimentaire se resserre. Madame Perreault tenait également à souligner le soutien incroyable du MAPAQ et à les remercier pour leur écoute et support au quotidien. Finalement lorsqu’interrogée sur les valeurs au cœur de son industrie elle a souhaité nous les résumer ainsi : agropassion, agrosolidarité, agrovalorisation, agrocréativité.