Marier écoconception et design ? Possible mais, surtout, indispensable !

« Ils étaient faits l’un pour l’autre. » Une remarque que le monde alimentaire aimerait bien employer jusqu’à l’usure à propos des mariages entre les denrées et leur emballage. De telles unions naissent de l’écoconception et leur succès sera une des clés pour relever les défis environnementaux de la prochaine décennie. Pourquoi faut-il être prêt à en assumer le coût ? | Par Pascale Lévesque 

« Le virage s’était déjà amorcé avant la pandémie, note Martin Boily, vice-président ventes et marketing des Emballages Carrousel. Dans le cas des transformateurs et des épiciers, la pression des consommateurs était tellement grande pour avoir une offre éco-respectueuse que le prix n’était pas important. » 

  1. Boily prenait part en janvier dernier à un panel d’experts dans le cadre des Journées DUX, animé par Thierry Houillon, expert en agroalimentaire. Prenaient aussi part à la discussion Maxime Cossette, vice-président Fibres, biomatériaux et durabilité chez Kruger, et Marc Beauregard, président de Bo Branding et Design.

Du producteur au client, tout le monde est à bord ! 

« Monsieur et Madame Tout-le-monde disent qu’ils sont prêts à payer plus pour avoir un produit plus écologique, mais c’est à la caisse que ça se passe, avance M. Cossette. Au moins, on sait que les considérations, ils les ont. » 

Donc, même si les consommateurs ne sont pas prêts à payer une prime de plus de 10 %, comme le rappelle M. Houillon, les attitudes changent. La pandémie a ralenti l’élan, mais toute la chaîne reste engagée, du client aux producteurs, en passant par les distributeurs et les transformateurs. 

« La force d’achat et les leviers du pouvoir sont en train de passer aux mains des 18-34 ans, une génération qui a l’environnement comme priorité, fait valoir M. Cossette. Ces gens-là sont prêts à payer davantage et même à changer de marque pour avoir des produits écoresponsables. » 

Emballages Carrousel est déjà bien engagé. Déjà en 2018, le plus grand distributeur d’emballages indépendant au Canada, avec plus de 22 000 clients – dont plusieurs épiciers et transformateurs alimentaires – prenait l’engagement d’ajouter, chaque année, 500 produits écoresponsables à son catalogue qui compte des emballages alimentaires, des emballages industriels et des produits d’entretien. « En 2020, on était rendus à plus de 1200 produits », dit Martin Boily, vice-président ventes et marketing. 

Les efforts doivent cependant se poursuivre. « Il faut continuellement combattre les mythes et les préjugés pour amener les clients à utiliser des emballages faits à 100 % de fibres recyclées, soulève tout de même Maxime Cossette. Le travail d’ingénierie sur la fibre en fait des emballages dont le look, la force, la recyclabilité sont semblables et même supérieurs à ceux faits de fibre vierge. » 

Le design reste la clé 

L’apparence n’est pas à négliger, car c’est ce qui séduira le consommateur. Malgré tous les efforts d’écoconception, le test par excellence demeure de réussir à attirer l’œil du client en épicerie. 

« Avec des emballages plus légers, on doit communiquer plus de choses sur moins de surface, indique Marc Beauregard. Par exemple, en éliminant les cartonnettes des yogourts, on a perdu de l’espace pour mettre en valeur l’image de marque, mais le test a été réussi sur les tablettes. » 

Maxime Cossette met cependant en garde contre les fausses bonnes idées et l’écoblanchiment. L’univers étant pavé de bonnes intentions, l’écoconception doit être sincère, pragmatique et réfléchie. « Le débat plastique ou carton fait rage, dit-il. Mais il est utopique de penser que le carton est l’unique solution. On doit souvent y juxtaposer une micro pellicule de plastique qui complique son traitement au centre de tri. » 

À cause de la pandémie de COVID-19, qui a amplifié la tendance du prêt-à-cuisiner et du prêt-à-emporter, il importe de trouver des emballages adéquats, tant pour ce qu’ils contiennent, qu’en tenant compte de leur fin de vie, du recyclage ou au compost. « Quand on parle d’écoconception, le cycle de vie du produit est crucial. Ce qui est mis sur le marché doit pouvoir être réintroduit dans la boucle pour être valorisé, voire redevenir emballage », insiste Maxime Cossette. 

Une solution pour valoriser la pellicule plastique usagée 

À ce chapitre, l’entreprise Emballages Carrousel, avec son initiative Carrou-cycle, espère même être imitée par ses concurrents ! « Quand on fait de la distribution et du transport, on utilise une pellicule plastique étirable pour emballer les palettes de produits et retenir les boîtes ensemble, explique Martin Boily. Il s’en vend de 40 à 50 millions de livres chaque année au Québec et elles finissent presque toutes dans des sites d’enfouissement. » 

Avec son partenaire d’affaires Polykar, Carrousel a développé un programme de recyclage de pellicule qui est revalorisée en sacs à ordures, enveloppes pour le commerce électronique ou, à nouveau, en pellicule plastique étirable. « On ramasse la pellicule usagée dès qu’on fait une livraison et on la ramène à nos entrepôts », précise M. Boily. L’Oréal participe déjà au programme et bientôt d’autres acteurs importants, comme Ikea, emboîteront le pas. 

Au-delà de la bonne conscience 

« Ce que fait Emballages Carrousel est l’exemple à suivre, soutient Maxime Cossette. Sans gestes concrets comme les leurs, on se donne simplement bonne conscience. Cent pour cent du plastique est potentiellement recyclable, mais seulement 17 % est recyclé. Les gens vont se satisfaire en achetant du plastique dit recyclable. C’est aussi ce que je me dis en voyant mon bac bleu plein. Mais en bout de ligne, même si ça me donne bonne conscience, c’est surtout le signe que, à la source, j’ai surconsommé ! » 

L’écoconception intègre, dès la genèse d’un article, tant les effets néfastes du produit que ceux de son emballage, et ce, pour l’entièreté de son cycle de vie. Si d’entrée de jeu cette façon de faire demande souplesse, adaptation et flexibilité ainsi qu’un bon investissement pour certaines entreprises, elle sera toujours moins coûteuse pour tous – et la planète – à long terme. 

Source L’Actualité ALIMENTAIRE