Ventes en ligne : serez-vous de la partie ?

L’achat en ligne peut être décrit comme une évolution naturelle du commerce traditionnel, avec des avantages indéniables pour les consommateurs, dont la rapidité d’exécution et la comparaison facile de produits, le tout dans le confort de son foyer. Assurément, les façons de consommer seront appelées à changer et il est primordial pour les entreprises québécoises d’anticiper ce phénomène. En effet, le Québec serait en retard par rapport au reste du Canada tant en ce qui concerne les achats que les ventes en ligne. Le Canada, quant à lui, serait environ cinq ans derrière les États-Unis. | Par Audrey-Ève Néron, conseillère à l’exportation

Selon les données de MarketLine, en 2017, c’est environ 1,2 % des ventes totales d’aliments qui ont été réalisées en ligne au Canada, pour une valeur équivalant à 1,4 milliard de dollars US. Cela vous semble beaucoup ? Le potentiel est pourtant bien supérieur ! Des 36 milliards de dollars US de ventes en ligne d’aliments réalisées en Amérique du Nord, seulement 3,9 % ont été effectuées au Canada. Comment s’assurer une part du gâteau si l’on est en retard à la fête ?

Un moment crucial pour entrer dans la danse

L’achat en ligne de produits d’épicerie est déjà relativement commun dans plusieurs pays. Si les acheteurs québécois n’ont pas encore adopté en masse le commerce électronique pour leurs achats d’aliments, qu’est-ce qui empêche les entreprises agroalimentaires de profiter de l’occasion par l’entremise de l’exportation ?

Au Japon et au Royaume-Uni, par exemple, 7,5 % des consommateurs achètent des produits alimentaires en ligne. En Corée du Sud, cette proportion s’élève à 20 %. Aux États-Unis, c’est une croissance de 18,2 % qui était prévue pour 2019 et des ventes de 53 milliards sont projetées d’ici 2022. Au Canada, toujours selon MarketLine, les ventes devraient croître de 9,9 % chaque année d’ici 2022. En effet, bien que l’alimentation soit encore l’une des catégories de commerce électronique les moins pénétrées en Amérique du Nord, c’est elle qui connaîtra la croissance la plus rapide au cours des années à venir.

Chez nos voisins du sud, tout comme au Canada, c’est Amazon qui demeure le principal joueur en ce qui concerne la livraison à domicile de produits alimentaires. Munie d’un solide réseau logistique, l’entreprise a la capacité de répondre rapidement aux commandes. Mensuellement, cette plateforme web s’attribue, aux États-Unis, plus de 197 millions de visites. Les consommateurs abonnés à Amazon Prime ont même la possibilité de faire leurs courses sans frais de livraison, et ce, peu importe la taille de leur commande. Selon l’entreprise Packaged Facts, Amazon deviendra même le plus large détaillant américain en 2022, surpassant ainsi Walmart.

Afin de suivre le rythme, la plupart des chaînes d’épicerie ont lancé divers programmes click and collect, qui permettent d’effectuer sa commande en ligne pour un ramassage plus tard en magasin, en plus d’améliorer leur offre de commerce en ligne. Au cours des années à venir, les principaux détaillants seront fortement incités à offrir le service de livraison à domicile, afin d’atténuer l’abrasion de leurs parts de marché en magasin. Alors qu’Amazon prépare son entrée sur le marché canadien avec Amazon Fresh, plusieurs détaillants ont identifié la livraison de produits frais comme un vecteur de croissance et une opportunité pour fidéliser leur clientèle.

Aux États-Unis, on observe l’avènement des made-to-order foods, soit les « aliments prêts à commander ». Au travers de plateformes intelligentes, telles qu’Alexa, il est possible pour les consommateurs de se réapprovisionner automatiquement d’un aliment spécifique, à la suite d’une simple commande vocale. Nous pouvons supposer que d’autres pays suivront éventuellement cette tendance.

S’adapter à cette nouvelle ère : une opportunité

Que ce soit par le biais de son propre site transactionnel, par l’entremise d’Amazon ou à travers les boutiques en ligne des divers détaillants, vendre et exporter en ligne comporte de nombreux avantages. En effet, offrir ses produits en ligne permet de tester rapidement la réponse des consommateurs sur un nouveau marché d’exportation. L’entreprise québécoise Café Liégeois l’a bien compris, elle qui a augmenté sa base de consommateurs de 51 % en Amérique du Nord, en seulement six mois, grâce à Amazon.

De plus, les données démontrent que 62 % des Américains à revenu élevé font « beaucoup ou assez d’achats en ligne », créant ainsi un large bassin de consommateurs enclins à considérer les produits d’exportateurs agroalimentaires québécois. Ç’a été le cas de l’entreprise québécoise Tutti Gourmet, qui produit des biscottis sans gluten. Avec son positionnement de niche, elle a misé, dès 2018, sur Amazon et sur le site web transactionnel Thrive Market pour développer le marché américain. Cela a permis à l’entreprise d’augmenter ses ventes de biscottis aux États-Unis de 60 % sur Thrive et de 182 % sur Amazon en 2019.

Bref, cette effervescence annoncée agira indéniablement comme un moteur de croissance pour les ventes en ligne de produits alimentaires dans les années à venir, tant au Canada qu’à l’étranger. Il est donc important pour les entreprises québécoises d’assurer dès maintenant leur positionnement sur ce nouveau canal de distribution.

Au moment d’écrire ces lignes, les ventes en ligne de produits d’épicerie connaissent un essor sans précédent, dans le contexte de la pandémie mondiale du COVID-19.

Au Québec, dès la fin mars, les ventes en ligne ont connu une hausse de 160 % pour l’alimentation et la restauration. Aux États-Unis, Amazon Fresh et Instacart auraient quadruplé leurs ventes en ligne d’aliments entre le 12 et le 14 mars par rapport à la même période un an plus tôt. Un sondage réalisé par la firme Gordon Haskett auprès de 300 ménages suggère que le tiers des consommateurs des États- Unis auraient utilisé la livraison en ligne de produits d’épicerie à la fin mars. Pour 40 % de ces consommateurs, il s’agirait d’une première expérience de commande en ligne. Au Canada, ce serait 9 % des consommateurs qui achètent en ligne des produits d’épicerie pour la première fois.

Le Dr Sylvain Charlebois, qui est professeur et le directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, suggère qu’un confinement prolongé pourrait inciter les consommateurs à changer leurs habitudes d’achat à long terme, au profit du commerce en ligne d’aliments. Seul l’avenir nous dira si ces habitudes se poursuivront une fois la crise passée, mais une chose est certaine, le commerce en ligne n’est pas près de perdre du terrain.