VALORISER LA FERME FAMILIALE, MAIS PAS À TOUT PRIX

L’An 2014 sera l’année durant laquelle nous valoriserons l’agriculture familiale, du moins si l’on en croit les dires des Nations Unies. Vu son importance à travers le globe, il est difficile de croire que l’agriculture n’a pas été choisie plus tôt comme thématique stratégique par l’Organisation des Nations Unies. Il faut donc saluer cet effort de mettre à l’avant-scène un outil économique aussi majeur, pourvu qu’on exhorte les citoyens du monde à accorder une importance particulière à l’agriculture familiale pour les bonnes raisons.

L’agriculture familiale a une signification tout à fait différente au sein des pays en voie de développement. D’abord, la grande majorité des citoyens pauvres dans ces régions sont des agriculteurs. Ainsi, il va de soi que la création de richesse pour un pays moins nanti doit forcément passer par l’agriculture. Dans ces territoires, les opérations familiales agissent en véritables protecteurs du patrimoine. Selon plusieurs études, celles-ci tendent à mieux sauvegarder les éléments naturels, locaux et essentiels à l’agriculture tels que l’eau, la terre, l’énergie et la biodiversité. L’agriculture familiale offre, de surcroît, une gouvernance plus malléable qui responsabilise les acteurs sur le terrain, un facteur indispensable pour une gestion efficace des effets climatiques de plus en plus imprévisibles. Pour une plus grande sécurisation alimentaire, le rôle agraire et économique de la ferme familiale dans ces régions vaut donc son pesant d’or.

Pour l’Occident, par contre, les enjeux liés à l’agriculture familiale sont forts différents. Depuis des années, à tort ou à raison, la notion de la ferme familiale est utilisée comme fer de lance pour tout groupe d’intérêts qui tentent d’améliorer le sort de l’ensemble de l’agriculture. Bien évidemment, les contribuables sont souvent sollicités pour subventionner une agriculture aux artifices souvent trompeurs. De façon efficace, l’argumentaire « familiale » convainc et  touche plusieurs d’entre nous qui connaissent peu l’agriculture en général. De surcroît, une bonne partie des subventions agricoles canadiennes sont versées à de petites entreprises artisanales qui ne servent qu’à procurer un revenu d’appoint. Dans un contexte de globalisation et d’hyper compétitivité, cette approche mérite d’être mieux réfléchie.

Même si le Canada perd environ 10 % de ses fermes tous les 5 ans, nos fermes deviennent de plus en plus productives et rentables. Pour les consommateurs, de plus grandes fermes protègent les consommateurs d’une inflation alimentaire intransigeante. De plus, l’efficacité des actifs diffère grandement entre les fermes artisanales et celles d’envergure. Une petite ferme, générant 100,000 $ de revenu annuel, nécessite 18 $ d’actif pour produire un dollar de revenu pendant que les grandes nécessitent seulement 2,81 $ d’actifs pour générer le même revenu.

Si nous avons à reconnaître l’importance de la ferme familiale chez nous, c’est la relève qui doit demeurer la priorité pour les années à venir. Plus de 45 % des producteurs agricoles ont maintenant 55 ans et plus et moins de 8 % de ceux-ci ont moins de 35 ans. Malgré les mesures incitatives déjà en place, un transfert de ferme sur deux échoue. Pour une meilleure gestion des compétences en région, ceci représente un véritable problème.

Ce transfert de connaissances ne dépend pas exclusivement d’une relation intergénérationnelle, mais plutôt d’une saine gestion patrimoniale des régions. En moins de dix ans, plusieurs de nos fermes familiales sont passées de petites exploitations autosuffisantes à de véritables entreprises industrielles, et c’est tant mieux. Les fermes qui tiennent à maintenir une dimension humaine, tout en ayant accès à une nouvelle expertise professionnelle, doivent forcément outrepasser les frontières de leur propre arbre généalogique pour s’y faire. Il faut donc former notre relève et la supporter adéquatement.

Somme toute, il faut être tout de même honnête. L’agriculture représente un métier très laborieux pour notre société gâtée par le modernisme. Surtout, c’est un secteur d’activité économique mal compris qui opère en retrait des centres urbains. Pour concurrencer avec les secteurs plus attrayants, assurons-nous que les incitatifs financiers sont doublement séduisants, qu’il s’agisse de fermes familiales ou non.

Dr. Sylvain Charlebois
Professor/Professeur Titulaire
Food Distribution and Policy/
Distribution et Politiques Agroalimentaires

Associate Dean/Vice Doyen

College of Management and Economics/
Collège en Management et Études Écononomiques

University of Guelph/Université de Guelph

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