Le prêt-à-manger réinventé

En août 2017, un an après avoir lancé une collection de cocottes prêtes-à-manger dans les IGA et IGA Extra du Québec, Jérôme Ferrer choisit d’interrompe la distribution de ses produits en magasin et lance La Boîte du Chef. Survol d’une idée à succès.

L’intention du chef est alors avant tout de créer un contact plus direct avec les consommateurs. « Lorsqu’on est arrivé en grande distribution avec notre offre de prêt-à-manger on a rapidement compris la complexité du système. Quand tu sers une centaine de magasins à la fois, ça prend des mois avant de pouvoir offrir de nouveaux produits. C’est difficile pour un petit fabricant de notre trempe d’offrir une gamme élargie de produits. Il faut faire référencer ses produits et cela implique des frais assez importants. Nous n’avions pas les moyens d’être référencés et distribués de partout. En créant La Boite du Chef, nous passions directement de l’artisan au consommateur et, du coup, lui faire profiter d’une économie d’échelle. Il suffisait de trouver la formule de livraison à domicile idéale pour desservir nos clients »

Devant l’offre croissante des Good Food, Miss Fresh et autres dont les modèles d’affaires s’appuient essentiellement sur la livraison de produits frais à cuisiner accompagnés de fiches-recettes, sous la base d’un abonnement, Jérôme Ferrer fait le pari d’amener le chef à la maison. Selon lui, La boite du chef — offerte dans une formule à 85 $ et une autre à 135 $, livraison incluse—, s’avère non seulement une économie de temps mais aussi d’argent.

Son cheval de bataille est donc d’offrir un produit distinctif et de se positionner comme une alternative réelle à ce qui se fait déjà. « Ils offrent des produits à cuisiner. Notre marché est complètement différent du leur. Ce qui m’intéressait, c’était de faire du prêt-à-manger de qualité et comme à la maison afin de permettre aux gens de sauver du temps. Oui, les gens aiment cuisiner, mais la réalité c’est qu’ils n’ont pas vraiment le temps, surtout la semaine. C’est aussi un moyen de gérer son budget alimentaire. »
Pour le président du Groupe Europea, La Boite du chef permet aussi de moduler et de thématiser son offre directe aux consommateurs selon la période de l’année et les différentes occasions comme l’Halloween.

Du côté de la livraison de ses boîtes, l’entreprise a mis en place une logistique bien rodée pour maintenir efficacement la chaîne de froid au cours du processus de distribution. « Nos boîtes sont entièrement isothermiques et en fonction de la température, on anticipe le froid que l’on met à l’intérieur selon les distances à couvrir. Pour les départs qui se font dans les 24 heures nous utilisons des sacs contenant un gel glacé de style icepack. On peut aussi aller avec de la neige carbonique ou de la glace sèche pour des distances plus grandes.»

L’entreprise a sa propre équipe de livreurs à l’interne qui dessert Montréal et la grande région métropolitaine. Elle fait appel à des expéditeurs externes comme Purolator pour les livraisons plus éloignées.

Les défis du commerce en ligne
Un an après le lancement de La Boite du chef, le président du Groupe Europea, qui en était à sa toute première expérience avec le commerce en ligne, estime que la gestion de ce nouveau modèle de transaction est certainement le plus important enjeu qu’il ait rencontré. « Dans notre métier on a un contact direct avec le consommateur. On se parle, on échange en personne. Avec le commerce en ligne tu échanges à travers une commande et quelques messages courriel. »

Si le passage vers la boutique en ligne a demandé une adaptation à toute son équipe, Jérôme Ferrer estime que cette nouvelle plateforme a aussi permis de recueillir des commentaires via les échanges courriel avec la clientèle et de développer son offre. « Au début nous offrions une semaine de repas et aujourd’hui nous pouvons offrir une solution au mois. »

Le chef, qui tenait depuis le début de l’aventure à ce que son nouveau concept soit libre et sans abonnement, estime que cela constitue un avantage concurrentiel et un autre élément de différenciation pour ses produits. « Je ne vois pas l’intérêt d’avoir des gens qui s’abonnent à l’année pour avoir des remises si c’est pour se désabonner quelques semaines plus tard. La liberté est une notion essentielle pour moi. Ça m’apparait important de ne pas imposer ces règles aux consommateurs. »

Le commerce en ligne a aussi eu un impact sur le modèle d’affaires de l’entreprise, l’emballage des produits, sur la fabrication, en plus d’exiger la mise en place d’une structure de livraison.

Les marges sont minces, explique Jérôme Ferrer. « Faire une semaine de repas pour 85 $ livraison incluse, faites le calcul. On est sur le fil du rasoir et on n’a pas droit à l’erreur. »

La rétention du personnel devient aussi un enjeu majeur pour le président du Groupe Europea qui emploie entre 60 et 80 personnes. Le chef précise d’ailleurs que l’une de ses principales motivations dans la création de La Boîte du Chef était de contrer le phénomène de pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie et de pouvoir garantir — lors des périodes plus creuses au niveau de la restauration— une plus grande stabilité à ses employés. « La situation de la main-d’œuvre est catastrophique dans notre industrie. Une fois que tu as trouvé les bonnes personnes que tu as mis des années à former, tu ne peux pas risquer de les perdre. Il faut que je leur garantisse un travail à l’année et nous vivons des périodes en montagnes russes dans la restauration. Entre l’été et la période des fêtes qui sont totalement hystériques, les mois d’hiver sont hystériquement au ralenti. »