Bonduelle réinvente les légumes

L’entreprise propose la déshydratation contrôlée par micro-ondes sous vide. La division nord-américaine de la société française Bonduelle apporte ces jours-ci les derniers ajustements à une technologie qui va transformer le monde de la conservation de multiples légumes.

Moins d’eau et plus de saveur ». Ces quelques mots résument parfaitement les attributs d’une technologie à laquelle l’équipe québécoise de Bonduelle met la touche finale ces jours-ci en collaboration avec EnWave Corporation. Ce groupe situé à Vancouver, en Colombie-Britannique, est spécialisé en déshydratation alimentaire. Grâce à cette innovation, la perception et, surtout, la consommation de légumes ne seront plus les mêmes. Ainsi, grâce à elle et de façon astucieuse, après les étapes de lavage, de coupe et de blanchiment, les légumes sont chauffés à basse température pendant quelques minutes. Ce séchage partiel par micro-ondes, effectué dans un environnement sous vide, permet d’éliminer un pourcentage précis de l’eau libre contenue dans le légume.
« Celle-ci a un impact important lors du processus de surgélation, indique Christian Malenfant, vice-président, marketing, de Bonduelle Amériques. C’est que plus il y a présence d’eau, plus les cristaux de glace qui se forment à l’intérieur lors de la surgélation abîmeront sa structure. Grâce à la déshydratation contrôlée, nous réduisons la quantité de cristaux et, par le fait même, préservons la texture du légume, en plus de limiter le phénomène du relargage lors de la mise en œuvre. » À noter que les taux recommandés de déshydratation se situent de 15 % à 30 % selon la variété de légume et le type d’utilisation.

Michel Casgrain, directeur de projet en recherche et développement chez Bonduelle Amériques, est à l’origine de l’innovation dont il est ici question. C’est dans le cadre d’une veille technologique visant à réduire l’impact écologique de la production de maïs surgelé que cet expert a eu l’idée d’un nouveau procédé de déshydratation contrôlée par micro-ondes sous vide. « Des concombres et Des tomates congelés, ou d’autres légumes que nous n’avons pas l’habitude de voir en mode surgelé. »

Rapidement, cette découverte, aujourd’hui commercialisée sous le nom InFlavor, s’est transformée en projet majeur d’innovation pour le développement de produits à valeur ajoutée. Grâce à une telle méthode, les légumes à forte teneur en eau entrent dans l’ère du surgelé avec une saveur inégalée, affirme-t-on du côté de l’entreprise. Concurrencer les légumes frais Historiquement, les légumes à forte teneur en eau, comme les courgettes, les poivrons, les champignons ou les oignons, n’étaient pas aussi populaires et aimés en mode surgelé que certains autres légumes, comme les pois, le maïs ou les haricots. Mais avec ce nouveau procédé innovant, les légumes fragiles à forte teneur en eau gagneront en popularité et deviendront carrément un avantage en cuisine. À tel point que la comparaison avec les légumes frais ne sera plus un enjeu, croit Christian Malenfant.

Le porte-parole emploie davantage le terme « invention » qu’innovation pour qualifier InFlavor. Puisque ce procédé permet de retirer un pourcentage précis de l’eau libre contenue dans le légume, nous pouvons adapter la quantité d’eau en fonction de son emploi. Cela est particulièrement efficace pour percer le marché industriel. Certains clients producteurs de pizza préfèrent un poivron déshydraté à 15 % par exemple, alors que d’autres, comme les producteurs de brochettes, opteront pour un oignon déshydraté à 10 %, précise Christian Malenfant.

Pour soutenir ses affirmations relatives à la qualité gustative, Bonduelle évoque une étude réalisée avec la firme Contract Testing. Lors de tests menés à l’aveugle, les légumes InFlavor ont été jugés comparables aux frais. « De fait, les participants ont été incapables de les distinguer les uns des autres, car ils y observaient la même concentration des saveurs, ce qui explique d’ailleurs la provenance du nom InFlavor. »
Des marchés qui s’ouvrent côté restauration, Christian Malenfant identifie une occasion d’affaires, précisant que les chefs se désintéressent fréquemment des surgelés au profit des légumes frais. « Puisque notre méthode concentre les saveurs, nous y voyons, à l’opposé, un créneau potentiel. »

À ce sujet, en plus des essais à l’aveugle, Bonduelle a effectué une recherche qualitative auprès de professionnels des services alimentaires de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec. « Ces derniers ont confirmé leur intérêt envers les légumes InFlavor, allant même jusqu’à affirmer qu’ils pourraient aisément remplacer les légumes frais dans plusieurs applications. »Christian Malenfant évalue qu’à lui seul, le marché du service alimentaire représente plus de huit millions de kilos de légumes pour InFlavor. «

Nous envisageons l’avenir en y voyant moult possibilités, conclut-il. Grâce à cette technologie, nous entrevoyons la possibilité de surgeler des tomates, des concombres ou d’autres légumes riches en eau qui n’ont pas l’habitude d’être offerts sous cette forme.
Dans un tel contexte, on ne s’étonnera pas que l’usine de Bonduelle à Sainte-Martine, en Montérégie, ait fait l’objet d’investissements importants, dont 2,4 millions de dollars du gouvernement fédéral (en vertu du programme Agri-Innovation) et 500 000 $ du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.

La direction de l’entreprise souhaite ainsi pouvoir passer d’une production laboratoire à une production de masse pour le marché de l’Amérique du Nord. La mise en marché des premiers produits issus du procédé InFlavor est prévue pour le printemps prochain.

Bonduelle prévoit offrir les légumes issus du procédé InFlavor au marché du détail sous sa marque de légumes surgelés Arctic Gardens. Son équipe de marketing travaille à des mélanges adaptés à des utilisations précises comme des fajitas, des garnitures à pizza ainsi que des mets associés au déjeuner, tels des mélanges de légumes pour quiche ou omelette. Ces concepts seront d’ailleurs préalablement testés sur le marché des services alimentaires afin de mesurer l’intérêt des chefs cuisiniers à les intégrer dans leurs opérations.