Les accords de libre-échange et le secteur agroalimentaire

AECG, ACEUM, PTPGP. Vous avez déjà entendu parler de ces acronymes, mais vous vous y perdez à travers les termes ? Bien que les accords de libre-échange puissent effectivement représenter un casse-tête pour qui n’est pas un expert juridique, il demeure toutefois qu’une bonne analyse de ceux-ci représente un exercice important dans toute démarche à l’exportation, puisque ces accords sont porteurs de nombreuses opportunités pour le secteur agroalimentaire. | Par Jeffrey Houle, conseiller à l’exportation

Qu’est-ce qu’un accord de libre-échange ?

D’entrée de jeu, notons qu’un accord de libre-échange (ALE) est un traité signé entre deux ou plusieurs pays qui a pour objectif de faciliter les échanges et d’éliminer les obstacles au commerce. Il vise également à réduire, voire supprimer les tarifs, dès le premier jour ou progressivement pendant un certain nombre d’années.

Pour les entreprises, ces accords peuvent avoir des impacts positifs importants, d’une part puisqu’ils permettent un accès privilégié aux marchés en réduisant ou en éliminant les tarifs en vigueur et, d’autre part, parce qu’ils réduisent les risques inhérents aux exportations en permettant une meilleure stabilité des échanges entre les pays signataires.
Cependant, il demeure essentiel de mentionner que certains tarifs peuvent subsister, et ce, même après la signature d’un accord. Comme le secteur agroalimentaire représente un secteur névralgique pour la majorité des pays, il est suggéré de vérifier les règles d’un accord en usage afin d’éviter d’éventuels coûts supplémentaires.

ACEUM : Nouveaux contingents tarifaires et des formalités simplifiées

L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) est en vigueur depuis le 1er juillet 2020 et réunit trois pays. Il succède à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en vigueur de 1994 à 2020. Pour les entreprises canadiennes, l’ACEUM représente avant tout un accès à un bassin de plus de 450 millions de personnes. Cette entente se traduit également par des occasions à saisir pour les PME canadiennes alors qu’elles représentaient en 2019, 97 % des entreprises exportatrices vers les États-Unis. Pour le Mexique, la proportion est similaire à 89 %, selon les données du gouvernement du Canada.

En ce qui a trait aux aspects réglementaires, il est intéressant de souligner qu’un des changements importants, lorsque nous comparons l’ACEUM et l’ALENA, concerne les règles de conformité douanière. En effet, le nouvel accord simplifie les formalités relatives aux douanes et aux règles d’origine pour rendre la réglementation gouvernementale plus transparente. À titre d’exemple, il ne prévoit pas de format prescrit et n’exige qu’un minimum d’informations sur l’origine du produit.

Pour l’industrie agroalimentaire, ce traité en vigueur depuis 2020, a créé des ouvertures dans certains secteurs. Soulignons notamment l’apparition de nouveaux contingents exclusifs au Canada pour l’exportation de sucre et de produits contenant du sucre, ainsi que la création de nouveaux contingents tarifaires pour l’exportation de divers produits laitiers (ex. crème, beurre, fromage, etc.).

Un contingent tarifaire est un engagement permettant d’importer une quantité précise de certains produits à un taux de droits de douane faible ou nul. Notons également l’élimination graduelle des tarifs américains sur la margarine et le beurre d’arachides. De plus, la margarine produite à partir d’huile de palme ne provenant pas de la zone de libre-échange pourra désormais bénéficier d’un traitement tarifaire préférentiel.

L’AECG : Nouvelles opportunités pour les marchés européens

L’Union européenne est un bassin de plus de 450 millions de consommateurs répartis dans 28 pays différents et comptant parmi ses rangs les populations détenant les plus hauts revenus disponibles du globe.

L’Accord économique et commercial global (AECG) est un accord bilatéral entre le Canada et l’Union européenne (UE). Il englobe pratiquement tous les secteurs d’activité et traite des aspects commerciaux entre les deux parties, en poursuivant l’objectif d’éliminer ou de réduire les obstacles au commerce. En vigueur à titre provisoire depuis le 21 septembre 2017, l’entente permet notamment à 98 % des lignes tarifaires de l’Union européenne, tous secteurs confondus, d’être exemptées de frais de douane pour les entreprises canadiennes. En comparaison, soulignons que seulement le quart des lignes tarifaires étaient exemptées avant l’accord.

Outre les catégories de produits mentionnés dans l’encadré bleu ci-dessous, nous devons également considérer des occasions d’affaires intéressantes pour les secteurs du porc et du bœuf, grâce à un rehaussement des contingents tarifaires sans droits de douane. Enfin, les produits laitiers bénéficient quant à eux d’un accès sans tarif et sans contingent au marché européen.

Il est également à noter qu’en raison de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, une nouvelle entente, l’Accord de continuité commerciale entre le Canada et le Royaume-Uni, est entrée en vigueur le 1er avril 2021, préservant ainsi l’accès préférentiel aux marchés pour les entreprises canadiennes et britanniques.

Le PTPGP : Un accès privilégié au reste du monde

En vigueur depuis le 30 décembre 2018, le Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) est un accord de libre-échange entre le Canada et 6 autres pays de l’Asie-Pacifique : l’Australie, le Japon, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour et le Vietnam.

Quatre autres pays – le Brunéi, le Chili, la Malaisie et le Pérou – se joindront à l’entente suivant leur ratification respective. Cette entente représente un accès privilégié à un bassin de près de 500 millions de consommateurs correspondant à 13,5 % du PIB mondial. Le marché Asie-Pacifique possède par ailleurs un grand potentiel de croissance, considérant qu’au cours des quinze dernières années, la croissance annuelle moyenne réelle des économies émergentes des pays asiatiques membres de l’accord a été supérieure à 5 %.
Pour le secteur agroalimentaire, le PTPGP réduira ou même éliminera – au fil de sa mise en œuvre – les droits de douane pour plusieurs produits, dont la viande, les grains, les légumineuses, le sirop d’érable, les vins et spiritueux et les fruits de mer notamment.

En bref, depuis son entrée en vigueur, l’accord permet une exemption des droits de douane sur plus des trois quarts des produits agroalimentaires canadiens. Ces exemptions constituent des gains importants particulièrement au Japon, en Malaisie et au Vietnam, où le Canada ne possède toujours pas à l’heure actuelle d’accord bilatéral de libre-échange.
À titre d’exemple, les droits de douane pour le homard (transformé ou non) pouvaient atteindre 34 % auparavant, alors qu’ils seront éliminés d’ici 3 ans sous le PTPGP actuel.

D’autres accords à considérer

Notons qu’il existe, outre ces trois grandes zones de libre-échange, une panoplie d’accords bilatéraux en place entre le Canada et différents pays, incluant entre autres, la Corée du Sud, le Pérou, la Colombie, le Chili et Israël.

Dans le même ordre d’idée, d’autres accords sont actuellement en cours de discussions qui pourraient mener, à terme, à de nouvelles occasions d’affaires. Les discussions exploratoires amorcées avec les pays de la région de l’Association des Nations de L’Asie du Sud-Est (ANASE) (Brunéi Darussalam, Cambodge, Indonésie, Laos (RDP), Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam) représentent possiblement une des plus belles opportunités à venir pour notre secteur en raison de leur forte croissance économique et du bassin de population important de la région.

Parmi les autres pays actuellement en discussion avec le Canada, mentionnons les pays d’Amérique du Sud (MERCOSUR), la Communauté des Caraïbes (CARICOM), le Guatemala, le Salvador, le Nicaragua, le Maroc, la République dominicaine et le Costa Rica.

Le Canada dans une position enviable

S’il est ainsi juste d’affirmer que les accords de libre-échange représentent de belles opportunités, il demeure cependant important de mentionner que ces accords ne donnent pas automatiquement accès à un marché. En réalité, lorsque l’on envisage l’exportation, il est primordial de valider plusieurs paramètres liés à l’accord, tels que les équivalences de certifications, les quotas et permis d’importation ou encore certaines interdictions possibles, telles des restrictions en matière d’utilisation d’OGM ou de composition des produits ou autres.

Finalement, les accords commerciaux représentent globalement des opportunités intéressantes pour les exportateurs agroalimentaires. En effet, le Canada peut se targuer de figurer parmi les quelques pays bénéficiant d’accords dans les Amériques, en Europe et dans la région de l’Asie-Pacifique, lui procurant un avantage concurrentiel notable sur l’échiquier mondial.

En comptant sur l’audace de ses exportateurs et la qualité de leurs produits, parions que le Canada arrivera à se positionner avantageusement sur ces marchés prometteurs.

En ce qui concerne le secteur agroalimentaire, l’accord crée plusieurs possibilités d’affaires pour les entreprises canadiennes exportatrices. L’accord touche de façon particulière les produits suivants :

• Le sirop d’érable (élimination des droits de douane de 8 %);
• Les bleuets congelés (retrait des droits de douane se situant entre 3,2 % et 14,4 %);
• Les canneberges séchées sucrées (élimination des droits de douane de 17,6 %);
• Les huiles (retrait des droits de douane se situant entre 3,2 % et 9,6 %);
• La nourriture pour chiens et chats (élimination des droits de douane de 1 218 $/tonne);
• Les jus de fruits (élimination des droits de douane de 18 %).