L’épicerie de demain (2e partie)

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Les nouveaux besoins du consommateur et les diktats de l’expérience client forcent non seulement les géants de l’alimentation à s’adapter rapidement, ils bouleversent aussi les façons de faire de l’ensemble de la chaîne alimentaire, et ce, du producteur jusqu’au petit détaillant. Dans ce contexte de transformation profonde du commerce de détail, comment humaniser le producteur jusqu’à l’épicerie? Arrimer technologies et consommateur ? Quelle est l’importance de l’éducation alimentaire ? La place de la biodiversité ? Gros plan sur le futur de l’offre aux consommateurs avec trois producteurs de chez nous qui font partie du réseau de La Coop fédérée.

En affaires depuis 20 ans, Rébéca Rouleau, propriétaire des Serres Dame Nature, du fleuriste Racine Karé et de la marque Herbes du Lac, a vu les besoins des consommateurs se transformer.

Être à l’écoute du consommateur nouveau

Entre autres, productrice en gros et au détail de plus de 200 variétés de plantes annuelles, mais également de 50 variétés de plants de légumes, elle constate un virage important des tendances de consommation dans ce secteur. « Depuis quelques années, les gens préfèrent mettre du temps davantage au potager qu’à l’embellissement. Le mouvement de l’agriculture urbaine, pour les municipalités comme pour les particuliers, a pris une ampleur sans précédent. Les villes passent des règlements pour permettre la culture en devanture. Le citoyen a de plus en plus envie de produire ses propres aliments pour avoir accès à des légumes de qualité. Par le passé, on produisait 70 % de fleurs et 30 % de plants de légumes. Là, c’est tout à fait l’inverse. Il y a vraiment une demande pour les petits légumes rares, les plants de petits fruits. »

Produits locaux recherchés

Elle souligne que les consommateurs veulent diminuer les intermédiaires. Ils veulent produire eux-mêmes et acheter à proximité pour des raisons de traçabilité et d’innocuité des aliments. « Pour les Herbes du Lac, nous sommes accrédités CanadaGAP depuis deux ans pour la traçabilité. On doit tenir des registres très précis sur la provenance des semences, des terreaux. On doit suivre le plan du début à la fin. Nous sommes accrédités dans toutes les chaînes et les bannières comme Sobeys, Loblaws qui exigent ces normes là. Ça demande beaucoup d’adaptation et des coûts supplémentaires. Même dans les plus petits commerces locaux, il faudra bientôt démontrer aussi la traçabilité. »

L’atout de la traçabilité

Cette traçabilité devient aussi un levier incitatif important. Il influence le choix des consommateurs à la recherche de produits locaux et ciblés. « Les gens sont sensibles à l’achat de produits dans leur région. Les gens savent que les Herbes du Lac sont produites chez eux. Le Créneau Agro-Boréal est en très fort développement. Il identifie tous les produits qui sont faits dans un climat nordique. Nous identifions de plus en plus nos produits avec cette marque de commerce. » Rébéca Rouleau précise que plusieurs épiciers de la région ont commencé à identifier des zones Agro Boréales dans leurs magasins.

Les fermes et le commerce en ligne plus fort que l’épicerie traditionnelle?

Selon Rébéca Rouleau, les grandes bannières perdent peu à peu de leur attractivité au profit des kiosques à la ferme, des paniers bio, du commerce en ligne et d’autres initiatives. « Il faut être à l’écoute de la nouvelle génération de consommateurs qui consomment en ligne. Les jeunes sont au téléphone et s’attendent à ce qu’on leur livre ça à la porte comme avec Amazon. »

Pour sa part, Louis-Marie Jutras, qui exploite Les Cultures de chez nous,  avoue d’abord avoir eu des doutes sur la popularité des nouvelles entreprises comme Good Food et Miss Fresh dans le marché du frais. Il constate aujourd’hui que ces nouvelles habitudes de consommation sont bel et bien là pour rester. Lui-même est aujourd’hui fournisseur pour ces deux entreprises qui ont sollicité Cultures de chez nous directement sur son site complètementpoireau. « Au début, je ne croyais pas à l’achat de panier d’épicerie en ligne. Mais nous travaillons avec Good Food et Miss Fresh depuis six mois maintenant. Cela nécessite un emballage spécial, mais il faut être prêt maintenant à faire face à cette nouvelle réalité. Il faut toujours profiter des ouvertures dans le marché. On n’arrête pas d’innover. »

Selon lui, la présence en ligne contribue à rapprocher le consommateur du producteur et à l’humaniser en quelque sorte. Il croit d’ailleurs que dans l’avenir, à l’épicerie comme en ligne, ce lien entre le consommateur qui recherche des produits de proximité, dont il connaît la provenance, et le producteur se renforcera davantage.

L’éducation alimentaire à refaire

De son côté, Émilie Berthold des Ferme Côté Desmeules, qui a été présidente de la Relève agricole du Bas- Saint-Laurent en 2017, estime essentiel de faire de l’éducation alimentaire auprès des consommateurs, mais surtout auprès des jeunes. Elle a d’ailleurs fait quelques tournées dans les écoles de sa région. Elle croit qu’il serait essentiel de faire de la place à des cours sur l’agriculture locale intégrés dans le cursus dès le primaire. « Ce serait une belle façon de les aider à faire des choix dans les épiceries plus tard. » Quant à l’impact des récents accords de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC), sur la consommation de lait du Québec, la productrice se réjouit de la réaction du consommateur. « Les consommateurs ont emboîté le pas et ont acheté des produits avec notre logo. C’est un bon départ. Ils ont fait un bon choix là-dessus, mais ils doivent aussi être informés. »

Un étiquetage à repenser

Émilie Berthold croit qu’il y a aussi place à améliorer les étiquetages et les étalages dans les épiceries pour que les consommateurs puissent reconnaître plus aisément un produit fait localement. « Dans les épiceries, il pourrait y avoir des affiches signalant les étalages de lait bio local, par exemple. Ou encore des affiches « Saviez-vous » pour que le consommateur en apprenne davantage sur les produits locaux et les producteurs. »

Elle suggère également que les épiciers fassent davantage de promotion sur les produits locaux de façon à stimuler les ventes. La productrice croit que le modèle actuel de l’épicerie devra dans l’avenir offrir plus de technologies comme des bornes interactives pour permettre aux consommateurs de s’informer davantage sur les produits. « Avant d’acheter ta pomme, tu peux voir combien de producteurs aux Québec la font. Je vois des épiceries qui ont davantage une conscience locale et qui facilitent la communication entre le producteur et le consommateur. »

Présenté par La Coop fédérée

En 2019, s’alimenter est devenu une activité citoyenne, responsable et durable. Les consommateurs autant que l’industrie bioalimentaire sont de plus en plus informés. Nos concitoyens s’intéressent non seulement à ce qui se retrouve dans leur assiette, mais également à la manière dont leur nourriture est produite, sans oublier l’impact de l’alimentation sur leur santé et l’environnement. En tant que plus importante entreprise agroalimentaire au Québec, La Coop fédérée occupe une place privilégiée pour suivre et interpréter l’évolution des tendances des consommateurs. Au-delà des modes, la recherche d’une alimentation équilibrée et diversifiée fait consensus. À l’écoute de ses membres et des consommateurs, et consciente des enjeux du monde actuel, La Coop fédérée saisit les occasions porteuses et mobilise ses ressources afin de contribuer à nourrir le monde, comme le veut sa missio