Protéines 2.0 : Partie 1 : Environnement et santé

Lors de la marche pour le climat qui a eu lieu à Montréal en septembre 2019, on pouvait voir de nombreuses pancartes avec des slogans antiprotéines animales et pro-végétarisme. C’est le principal cheval de bataille de la population dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais est-ce que tout le monde est prêt à couper complètement sa consommation de viande ? Quelles sont les alternatives pour consommer son apport recommandé en protéines? Quelle voie l’industrie doit-elle adopter afin de suivre la tendance, sans nécessairement faire un virage à 180° ? Voici quelques pistes de solution. | Par Caroline Trudeau

À preuve, à mesure que les pays en développement prospèrent, leur population opte pour un régime occidental, mangeant davantage de protéines animales. Alors que, dans ces pays une personne ingérait 10 kg de viande par an en 1964-66, et 26 kg en 1997-99, l’Organisation mondiale de la santé estime que celle-ci atteindra 37 kg par personne, par an, en 2030.

Le problème, il faut le rappeler, ne réside pas dans la consommation de protéines animales, mais dans la surconsommation de celle-ci. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la production de viande devrait s’élever à 376 millions de tonnes d’ici 2030, comparativement à une production de 218 millions en 1997-99. À mesure que la demande augmente viennent une industrialisation de la production et, par conséquent, un impact important sur l’environnement. D’ici 2050, la population mondiale atteindra 10 milliards de personnes, et il sera impossible de subvenir aux besoins de tous avec le système alimentaire actuel.

La diversification des sources de protéines serait alors l’une des meilleures solutions à envisager pour régler la situation.
Pourquoi diminuer sa consommation de protéines animales?

Au-delà du fait qu’il sera tout simplement impossible de produire suffisamment de viande pour répondre à la demande grandissante, selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), trois raisons principales poussent aujourd’hui les consommateurs à diminuer leur apport en protéines animales, soit l’environnement, la santé et le bien-être animal.

Des questions environnementales

Alors que les gens sont de plus en plus sensibilisés aux problèmes climatiques, ils cherchent des moyens à leur portée pour faire une différence. Project Drawdown, une organisation de recherche de classe mondiale qui examine, analyse et identifie les mesures les plus viables afin de renverser le réchauffement climatique, a compilé une liste de 100 solutions, répertoriées selon la quantité d’émissions de gaz à effet de serre pouvant être éliminées. L’adoption par la population d’un régime riche en plantes, en opposition à un régime riche en viandes, est l’une des meilleures stratégies pour le climat, arrivant en 4e position de ce classement. La réduction du gaspillage alimentaire se situe, quant à elle, en 3e position ; un autre élément de notre alimentation qui sera à surveiller de près.

Encore une fois, le problème réside dans la surconsommation. Nous sommes aujourd’hui à l’un des extrêmes du spectre de la consommation de protéines, en général, et de protéines animales, en particulier. Selon un rapport de la World Ressources Institute, se basant sur des données de la FAO, alors qu’une personne devrait consommer en moyenne environ 50 g de protéines par jour, nous en consommons, aux États-Unis et au Canada, en moyenne 90 g, les deux tiers provenant de source animale.

Ainsi, une conversion complète à un régime végétalien n’est peut-être pas nécessaire si la population diminue plutôt son apport total en protéines et revoit la proportion entre les sources animales et les sources végétales. L’abolition complète de la production de viande dans le monde aurait, quant à elle, des impacts négatifs considérables, autant d’un aspect économique que culturel. Au Canada seulement, l’industrie de l’alimentation animale génère des revenus de plus de quatre milliards de dollars par année.

Une question de santé ?

On recommande aujourd’hui, comme c’est le cas notamment dans le Guide alimentaire canadien, de diminuer sa consommation de viande et de privilégier les protéines végétales. Le danger, par contre, avec le discours actuel, est d’associer automatiquement repas végétarien et repas santé, et de diaboliser tout plat de viande. Or, ceux qui ont pris la peine d’étudier les listes d’ingrédients et les valeurs nutritives de certains plats végétariens offerts sur le marché, ou même que l’on trouve dans les livres de recettes à la mode, ont pu remarquer que ces plats ne sont pas toujours la meilleure option, du fait qu’ils contiennent parfois plus de gras, de sel ou de sucre que les repas avec viande.

Des occasions pour l’industrie

Bien que la viande ne soit pas sur le point de disparaître complètement, puisqu’elle connaît un intérêt grandissant dans les pays en développement, les autres sources de protéines, gonflées par les préoccupations environnementales, éthiques et de santé de la population dans les pays développés, voient leur demande croître de façon exponentielle.

Le département des produits laitiers a été le premier à offrir des produits d’origine végétale, mais les autres secteurs doivent rapidement se lancer dans cette voie s’ils ne veulent pas manquer cette occasion d’affaires. Selon le Rapport sur le marché mondial des substituts de viande, réalisé par la firme de recherche Data Bridge, ce marché devrait atteindre 7,36 milliards US d’ici 2025, comparativement à 4,33 milliards US en 2017. Il s’agit du secteur connaissant la plus forte croissance.

Miser sur les flexitariens

Au Canada, environ 7 % de la population se dit végétarienne, selon une étude réalisée par l’Université Dalhousie, alors que 40 % de la population consomme de la viande qu’une ou deux fois par semaine. Miser sur ces personnes au régime flexitarien représente pour l’industrie une occasion d’affaires bien plus intéressante et dont l’impact sur l’environnement serait beaucoup plus grand que de cibler uniquement les végétariens.

D’ailleurs, des chercheurs de l’Université de Standford ont pu remarquer que lorsqu’un repas n’est pas identifié comme « végétarien » ou « végétalien » les gens ont plus tendance à le choisir. Une section de menu portant la mention « végétarien » pourrait même inciter les gens à consommer davantage de viande. Ainsi, si on souhaite inciter plus de personnes à consommer des protéines végétales, il faut peut-être laisser tomber les étiquettes, et simplement se concentrer sur ce qui importe au consommateur lorsque vient le temps de choisir un plat, soit le prix, le goût, et la commodité. Des chercheurs du Food Future Institute, qui ont publié les résultats de leur recherche dans le livre Food Shapers : Future of Proteins, mentionnent d’ailleurs que : « Demander aux gens de s’éloigner considérablement de leurs habitudes alimentaires actuelles ne sera pas efficace. La clé est de développer des solutions de rechange qui constitueront un pont vers un régime alimentaire plus durable. »

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